La rue Sidi Abdallah Guech à Tunis

Publié le 31 juillet 2010 par Zizirider
Fait unique dans le monde arabe, Tunis à sa rue chaude. Comme à Paris (Rue St Denis ou aux Abords de Pigalle), Bruxelles (près de la gare du Midi), Amsterdam, Tunis, abrite au milieu de la Kasbah à quelques encablées des souks les plus réputés et à moins de 500 metres à vol d'oiseau de la Grande Mosquée de la Zitouna, la rue chaude (Rue Abdallah Guech ou Rue Sidi Abdallah).
C'est la maison close municipale ou officielle de Tunis.
On arrive à la rue Sidi Abdallah par la rue Zarkoun ou par la rue de la Verrerie (nah'j el Bellar - Rue où se trouvaient les commerçant de verres, lustres et tout articles de verre en gros et détail)

La Rue Zarkoun haut lieu de la contrebande et des ventes d'importations illégales dans les années 70 - 80 (cigarettes, whisky, devises étrangères, vêtements de luxe, et contrefaçons, etc...), abrite aussi les antiquaires de Tunis et le conservatoire de Musique (un ancien palais classé monument historique depuis 1899).

Rue Zarkoun en 2006


La rue Sidi Abdallah est une petite rue sinueuse et très étroite (à peine de quoi laisser passer 2 personnes) d'une centaine de mètre. Des deux cotés de la ruelle s’alignent, des centaines de petites pièces carrées, l’une après l’autre. Les clients la longent en choisissant les prostituées qui travaillent dans de petites pièces
La "Kahba" ("putain" en Dialecte tunisien et en Arabe) était, presque toujours, assise à la porte de sa cellule dans une tenue très légère, l’hiver elle portait dessus une robe de chambre aux couleurs criardes. Elle était le plus souvent accompagnée d’un petit chien.
Les plus célèbres portaient des noms d’artistes de cinéma de l’époque.
Il y avait de tous les ages, de toutes les formes et de toutes les races.

Mme de Pompadour


L’intérieur des petites chambres n’avait pas de traits personnels. Le nécessaire (ou l’obligatoire), se trouvait chez toutes. Il y avait un lit, et des ustensiles de toilette, comme, un évier une jarre d’eau et un broc. L’eau courante n’existait pas, dans la plupart des cas. Il y avait du savon et beaucoup de papiers de toilette, parce que la séance commençait et finissait toujours par une ablution obligatoire, pratiquée par la maitresse du lieu.
Plutôt que d'interdire la prostitution et de risquer ainsi de voir se développer activités clandestines et les MST les autorités ont préféré mettre en place ce système très contrôlé qui est le seul système légalement autorisé.
Les clients la longent en choisissant les prostituées qui travaillent dans de petites pièces tout au long de la rue.
Les prostituées sont soumises à un contrôle médical très strict effectué hebdomadairement par des médecins de la santé publique qui viennent faire différents tests;: VIH, syphilis, etc.
Dans les années 20,  on les voyait, portant leurs meilleurs habits, partir en fiacre pour passer la visite médicale hebdomadaire. 
Autre anecdote, à la rubrique emploi » d'une carte d'identité d'une "Kahba" travaillant dans cette rue, on peut lire "fonctionnaire au ministère de l'intérieur".
Cette mesure permet, de les protéger d'éventuels problèmes comme le proxénétisme et vise en outre à leur simplifier certaines démarches comme la demande d'un document administratif.
La rue est très surveillée par la police car elle est située dans un quartier populaire de la capitale. Elle procède régulièrement à des rafles sur les lieux vu qu'ils sont souvent fréquentés par des personnes recherchées ou éventuellement pour en exclure les mineurs.
Les tarifs sont fixés par l'état, même si, suivant les habitudes des clients, un pourboire pouvait être laissé à la dame.
Un jour de fermeture hebdomadaire était décrété. Si mes souvenirs sont corrects, il s'agissait du Lundi comme les Coiffeuses.
La clientèle était de tous bords et de toute religion, mais surtout fréquentée par les classes populaire.
Arabes, Juifs, Maltais, italiens fréquentaient les "Kahba" et la Rue Sidi Abdallah. Les premiers émois et l'initiation sexuelle commençaient la bas, surtout dans la communauté Arabe et Juive. La pression sociale, morale et religieuse, étant si forte que les hommes faisaient leur éducation à la Rue Sidi Abdallah. Les filles de famille ne sortant pratiquement pas où alors accompagnées.
Les français ou colons, fréquentaient des lieux plus huppés (Maisons closes de Luxe diront nous) comme la "Grande Maison" (entre la rue El Djazira et le souk du Blatt) ou d'autres bordels plus chics (comme celui de l'avenue de Paris, ou jusqu'en 2000 se trouvait le siège d'ESSO)
Il n'étaient pas rare, lors d'une Bar Mitzva (communion juive des jeunes adolescents mâles agés de 13 ans) de se voir offrir par les anciens une "kahba" en guise de dépucelage.
D'ailleurs la "Hara" (guetto juif de Tunis) était contigu à Sidi Abdallah et les lycéens et autres mineurs, essaiyaient de passer furtivement par la Rue Abdallah Guech pour "mater" les "kahba".
Depuis l'indépendance, et jusqu'à la fin des années 80, cette rue étaient fréquentés par les franges populaires des tunisiens: les jeunes (ne pouvant assouvir leur besoin d'amour autrement), les ouvriers venus à la capitale pour trouver du travail (et ayant laissés femmes et enfants à la campagne), etc...
Actuellement, et suite à la liberté "relative" de la sexualité et des moeurs cette rue est fréquentée toujours par les catégories inférieures de la population, mais également par les lybiens (frustrés le bien souvent), algériens, venant à Tunis pour tourisme ou commerce.

Source: Wikipédia - www.harissa.com (le site des juifs tuns) et mes souvenirs personnels