Le blouson de suède brun

Publié le 31 juillet 2010 par Dodo44

Saviez-vous qu’il existe en nous une liste de désirs en attente de concrétisation? Oui! Et ces souhaits pas encore comblés peuvent entraîner toute une gamme d’émotions. Dépression. Euphorie. Répression. Envie.

Exécrable et formidable envie! Elle m’enseigna une grande leçon. Adolescente, j’enviais chez ma tante rockeuse un objet fascinant. C’était un blouson de suède. Il lui allait comme un gant. Sentait bon. Était doux. Et lui donnait cool allure! Les rangs de franges calquaient chaque mouvement qu’elle faisait.

Mon désir d’un jour l’acquérir arriva enfin au haut de la liste. C’était en 1986. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je le vis dans la vitrine de la boutique. Mon corps s’immobilisa en entier. Comme foudroyé d’un sort d’immobilité.

Le cœur battant, j’entrai pour l’essayer. Merci, dieux de la couture, mes espoirs étaient bien-fondés. Le splendide blouson de suède épousait mes formes avec désinvolture. Sa teinte d’un brun riche s’appariait parfaitement à ma chevelure. Quelle sublime conjoncture!

Et quelle astronomique facture! Vous aurez deviné qu’un objet à l’origine d’une telle exaltation se détaille à un prix d’égale proportion. Une autre raison pour entretenir mes palpitations.

Mais l’histoire n’est pas finie. Nous étions au mois d’août. Il me fallut attendre, voire souhaiter vivement, les froids d’octobre pour enfin arborer fièrement ma nouvelle acquisition. Je quittai donc la maison pour me rendre au travail, ignorant tout de la nature capricieuse d’une peau d’animal…

Mes collègues, les généreux, s’empressèrent de me complimenter. Les envieux, quant à eux, se contentèrent de m’observer. Voilée par ma méconnaissance, j’alimentais cette populaire croyance.

La journée terminée, je pris la direction de ma voiture, à dix minutes de marche. Soudain, une ondée! Je regardai avec horreur mon magnifique suède devenir tout tacheté. Je courais comme une dingue. Trop tard! Un vrai cauchemar!

Une fois chez moi, j’appelai ma tante. Elle me dit d’attendre qu’il soit sec, puis de le couvrir d’un produit imperméabilisant. Et de ne plus m’inquiéter. Après tout, le suède vient d’un être vivant qui a connu tous les temps.

Cette anecdote constitue ma première expérience en toute conscience de ce que j’appelle le fardeau dans le cadeau. Jamais je n’avais désiré si fort, payé si cher et angoissé autant pour un vêtement… que j’appris à aimer inconditionnellement.

C’est pourquoi, depuis lors, quand je prends soin de mes trésors, je sais qu’ils m’apportent leur lot d’effrois et de joies!

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