Phénix de l'architecture

Publié le 10 août 2010 par Joachim
"L'architecture moderne est morte a Saint-Louis, missouri, le 15 juillet 1972 a 15 h 32, ou a peu prés..."Avec la précise froideur du médecin légiste, Charles Jencks date (dans son ouvrage de 1977) de l’heure de la première démolition « à la dynamite » d’un quartier HLM (celui de Pruitt-Igoe) la fin des utopies et spéculations du Mouvement Moderne en architecture. Après ces barres agonisantes, plus rien ne serait jamais comme avant. Mise en face de ses responsabilités urbaines et sociales, la profession ne pouvait plus faire l’innocente. L’ir onie de l’histoire retiendra que l’architecte de ces bâtiments honnis s’appelait Minoru Yamasaki qui venait alors de livrer un bâtiment autrement plus glorieux, le fameux…. World Trade Center. Voilà donc, dans l’histoire de l’architecture le seul architecte dont les édifices sont plus connus pour leur destruction que pour leur édification.

On peut tout de même se demander si en matière de mort symbolique de l’architecture moderne, le coup de grâce n’avait pas été porté deux ans auparavant avec le fameux épilogue de Zabriskie Point (Michelangelo Antonioni 1970). Rappelons que cette suite d’explosions filmées au ralenti, cette jouissive télépathie de destruction, ce pink-floydesque « détruire dit-elle » prend pour première cible une canonique « villa d’architecte ».

En réponse à cet extrait si fameux, j’ai découvert le travail d’une jeune agence Freaks architectes, qui intègre aussi (et avec pas mal d’humour) la vidéo dans son activité de recherche et de conception. Leur petit opus Faster than China se révèle d’une efficacité redoutable pour proposer une politique de reconstruction rapide et de résurrection de l’architecture bétonnée. Il me semble avoir déjà vu ce principe de « lecture inversée » dans une vidéo de Bill Viola (où des plongeurs paraissent décoller comme des fusées), mais au-delà de la potacherie du procédé (remettre d’aplomb les bâtiments qui s’effondrent), je vois poindre derrière cette vidéo une critique de ces dynamitages systématiques, qui s’ils offrent des moments cinégéniques,perpétuent l’idéologie de la tabula rasa et empêchent, en imposant un nouveau départ à zéro, toute sédimentation (historique comme mémorielle) de faire son œuvre.

Quoi qu’il en soit, je ne peux que vous conseiller de cliquer ici pour voir la juxtaposition Antonioni / Freaks Architectes.

Et dans ce perpétuel fracas destruction/reconstruction, je sens finalement que l’architecture moderne, dans ses réalisations les plus nobles (les villas) comme dans les moins désirées (les barres HLM) évolue suivant les oscillations du phénix: condamnée à renaître des cendres de ses échecs.