L' écorchée vive de Claire Legendre

Par Ogresse
Ca ressemble moins à un visage qu’aux entrailles démêlées d’une souris de dissection. Les angles irréguliers semblent avoir été poncés puis vernis. Par endroits, des traces de poudre semblent croûter. C’est une tache rouge presque ronde, trouée de deux yeux sombres écroulés en accent circonflexe au-dessus du nez. Le front s’adosse à la courbe des sourcils qui va bientôt craquer. La bouche fut peut-être gourmande, mais il n’en reste qu’une moue honteuse et la lèvre supérieure, fendue en son centre, réprime le souvenir d’une sensualité défunte. Le menton s’esquive entre deux bajoues gonflées comme à l’hélium. Les yeux gémissent.
Barbara pleure devant Paulette, 1924, le tableau de Soutine qui lui rappelle tant son passé, celui de la différence et de la cruauté. Elle semble pourtant aujourd’hui mener une vie normale. Elle travaille et vit avec un homme, François, que ses collègues lui envient, mais à qui elle n’ose pas parler de sa vie d’avant, par peur de le perdre.
Son existence n’a pas toujours été aussi banale et c’est ce que l’on découvre au fil des pages. Le présent s’intercale avec le passé. Les angoisses, les maux et les blessures sont aussi vifs qu’auparavant. L’opération qui devait tout changer ne modifie finalement que le regard des autres et ce n’est pas assez, ce serait peut-être même trop.
Un roman bouleversant qui dit simplement combien il est difficile d’être une autre ou pas tout à fait soi.
L'écorchée vive rappelle d’une certaine façon l’adolescence, la métamorphose du corps et la haine de notre hideuse chrysalide. S’identifier à Barbara est donc forcément très simple et coule de source.
Surtout ne vous y trompez pas, ce n’est pas un roman sombre qui vous tire la larme de l’œil. Tout est dit par petites touches, sans en avoir l’air. Claire Legendre a trouvé le ton juste, Barbara n’apparaît pas comme une victime, il n’y a aucun apitoiement et j’ai été tout particulièrement touchée la façon dont le thème de l’amour maternel est abordé dans ce roman.

Une très belle découverte qui me donne envie de continuer l’aventure avec Claire Legendre dont la plume m’a véritablement séduite.

Un grand merci à Canel, auteure du ‘billet de la tentation’ et généreuse prêteuse mais aussi à Clara pour son avis enthousiaste et l’envoi de ce livre qui ne peut pas laisser
indifférent.
La note de L'Ogresse: