Noisy Media - Doggy style

Publié le 19 décembre 2007 par Benjamin Mialot

Shellac - Elephant

Producteur pour les Pixies, PJ Harvey, Nirvana, Chevreuil, Slint, Gospeed You! Black Emperor, Electrelane, Neurosis, The Ex et une bonne pelletée d'autres musiciens recommandables, Steve Albini est aussi (et surtout, de mon point de vue) la tête pensante de Shellac, trio à la discographie aussi succincte qu'essentielle. Quatre disques en quinze ans, on a en effet vu plus productif. En revanche, des types qui définissent un son et le sondent si longtemps sans pêcher par vacuité, on en dénombre pas tant que ça.
Sorti cette année, Excellent Italian Greyhound rompt un silence de sept ans et affiche tous les symptômes de la démarche qui anime Albini et ses deux comparses : absence totale de promotion, esquive de la grande distribution aux US, une production à l'os, brute, trompeuse et griffue comme du barbelé et, le plus important, des compositions crocs-en-jambe, grisantes et énigmatiques (un dernier adjectif qui s'applique d'ailleurs à la pochette, pour une fois plus eye-friendly que le minimalisme maronnasse d'Action Park ou 1000 Hurts).
A cheval entre hardcore famélique et rock géométrique, Excellent Italian Greyhound est de fait un disque où la tension se débat et suit des rails au trajet imprévisible, lardés de chaos, de ruptures et de grands gouffres, façon Indiana Jones dans un charriot minier. Le premier grand huit, mais aussi le plus sensationnel, c'est celui qui ouvre l'album, The End of the Radio. Soit huit minutes trente de théâtralité post-apocalyptique où Albini, dernier animateur radio d'une Terre sans auditeurs, déclame la puissance qui est la sienne et la folie qui le ronge, puis perfore sa solitude de ses cris, tandis que sa guitare vient siffler dans les décombres et que la section rythmique de Bob Weston et Bob Trainer habille le show en de secs rebonds.
Passé cette entrée en matière d'anthologie, les vieux réflexes (Be Prepared et ses mouvements semblables à ceux de boulets de démolition) se mêlent aux surprises (le biscornu Genuine Lulabelle, dont les passages a capella détonnent au milieu des pulsions noisy du trio), les appels au combat (Steady As She Goes et Boycott, pour filer sur l'autoroute en jetant des enceintes par-dessus bord, l'hystérique et gueulard Spoke) et, toutes proportions gardées, les broderies plus élégiaques (Elephant). Et force est de reconnaitre que la somme de ces parties hétérogènes démontre que les trois quadragénaires en ont encore dans le poignet.
Même si, au fond, Shellac se caresse le nombril et doit se bidonner en regardant ses fans et non-fans se gratter la tête à l'écoute de certains pans de ce quatrième album, ce dernier mérite donc sa place dans la discographie de ces hurluberlus. Tout en étant le parent pauvre.
Shellac - Excellent Italian Greyhound (Touch & Go) - 2007
Verdict du Père Siffleur
et demi