Quand Tintin répond à Brice Hortefeux, par Pouria Amirshahi

Publié le 17 août 2010 par Letombe


«extrait de l’album: Les bijoux de la Castafiore»
«Cette reproduction n’a aucune portée commerciale et ne saurait être utilisée comme telle»

Pouria Amirshahi, secrétaire national à la coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’homme répond dans une tribune à la dérive xénophobe et sécuritaire du gouvernement. Il brosse détaille notamment les conséquences des déclarations de Nicolas Sarkozy à l'encontre des gens du voyage et concernant la déchéance de la nationalité, que Martine Aubry avait dénoncé comme une «dérive anti-républicaine». Il appelle tout ceux qui ne se reconnaissent pas dans l'image que cette politique donne de la France à venir à la manifestation du 4 septembre.

Pourquoi les socialistes appellent au rassemblement républicain du 4 septembre.

On savait depuis longtemps la frontière mouvante entre la droite dite républicaine et la droite prétendue nationale. Les premiers n’ont pas toujours hésité à franchir le rubicond de la xénophobie, stigmatisant l’étranger comme le fauteur des troubles du pays. Charles Pasqua avait en son temps déclaré en 1988 que le RPR partageait avec le Front National « les mêmes valeurs », Jacques Chirac avait évoqué en 1995 « le bruit et l’odeur ».

Subliminal, le discours de la droite autour de l’identité nationale est de plus en plus « décomplexé » et l’année qui vient de s’écouler laissera des blessures et des plaies vives : on laisse à penser que les pratiques musulmanes sont majoritairement passéistes, on laisse entendre que délinquance et immigration sont consubstantielles, on met en doute l’appartenance à un supposé « corps traditionnel français » des millions de citoyens, on fait la chasse aux étrangers « en trop »…bref on organise méthodiquement la propagation des peurs et des préjugés, de ces bêtises qui font le lit d’un racisme de moins en moins ordinaire. Hommes et femmes honnêtes mais sans papiers sont transformés en de vulgaires criminels ; les gens du voyage sont des « gens qui posent problème » ; les jeunes de quartier (qu’on appelle aussi « issus de l’immigration ») sont fauteurs de troubles quand ce n’est pas carrément assassins de policiers ; « quand il y en a un, ça va »…et on les reconnaît facilement quand ils « portent leur casquette à l’envers ».

Expulsions, humiliations et déchéance de la nationalité remplissent la feuille de route d’un pouvoir qui a choisi de tourner le dos au mariage du temps et de l’action pour ne privilégier que le verbe violent de l’instant et mettre en exergue des « exemples » pour ériger une théorie générale de l’insécurité.

Cette stratégie, pour odieuse qu’elle soit, a cependant une limite : celle des français eux- mêmes qui ne se reconnaissent pas dans ces beugleries de bistrot et qui savent bien dans leur immense majorité ce qu’être français veut dire. On sait en tout cas depuis le 5 mai 2002 ce qu’ils ne veulent pas en étant ce jour-là plus de 82% à rejeter le candidat de l’extrême droite Jean-Marie Le Pen. La séquence présidentielle d’alors n’a laissé dans l’histoire que la marque du traumatisme démocratique du 21 avril alors que – à toute chose malheur est bon – le peuple français avait massivement fait la démonstration de sa culture fondamentalement républicaine et tolérante. Aux yeux du monde et pour elle-même, la France avait alors signifié de quel côté de l’intelligence humaine elle voulait se placer.

La grande erreur de Nicolas Sarkozy est bien de faire croire aux français qu’ils sont ce qu’ils ne veulent pourtant pas être : stupides, bêtes, veuls, pleutres. En s’en prenant comme il l’a fait aux gens du voyage, en laissant entendre que, même français ils ne le sont pas (et ne le seront jamais) tout à fait, cet homme là ne grandit pas la République ni l’image de la France dans le monde. Quant le gouvernement suédois en appelle publiquement à des mesures européennes de long terme en faveur de l’intégration des roms (accès aux soins, scolarisation des enfants, accompagnement éventuel vers la sédentarisation, etc.), il fait honneur à la politique, au pouvoir éclairé, à l’intelligence. Il est pourtant de droite, lui aussi…

Quand son homologue français les humilie, il s’embourbe certes dans la honte, mais dans cette honte qui fait le ridicule d’un Capitaine Haddock quand il déclare tout de go face à un camp de familles tziganes où règnent pauvreté et misère : « Aucun sens de l’hygiène ces zouaves-là ! Inouï… ». C’est toujours dans cet album d’Hergé d’ailleurs (Les bijoux de la Castafiore) que l’on retrouve cet échange entre Dupond et Tintin. On croirait presque lire un dialogue entre Nicolas Sarkozy et Fredrik Reinfeldt, le premier ministre suédois!


Pourtant, à ce niveau de responsabilité et avec tant d’enjeux qui sculptent en ce moment même le devenir de la civilisation des hommes, il serait bien plus digne de s’adresser d’abord à l’intelligence des citoyens. « Dire la vérité » ne rime pas forcément avec asséner des méchancetés, mais poser les questions, identifier les enjeux, tracer un chemin et, par- dessus tout, en débattre publiquement pour associer les gens à la construction de leur monde. C’est sans doute aussi la raison pour laquelle les français se reconnaissent de moins en moins dans le personnage qu’ils ont élu président de la République alors qu’il faisait de grands discours sur « nos grands hommes », « notre grande histoire », « notre grand peuple » composé, comme lui-même et des millions d’autres, de familles venues d’ailleurs au long de ces derniers siècles. A ce jeu de la haine ordinaire, ce petit président finira lui-même haï de ses propres compatriotes tant il apparaît de plus en plus clairement qu’il ne les aime pas, tant il ne les connaît pas ; d’ailleurs, aime-t-il notre pays, lui qui se drape si souvent des prétendues réussites d’un modèle anglo-saxon pourtant bien plus inégalitaire et communautariste ?

A la République laïque faiseuse de paix, d’égalité et surtout de conscience, il répond par la différenciation permanente des citoyens entre eux, privilégie le « curé » au lieu de « l’instituteur », les « vrais français » face aux « français douteux ». A la République sociale porteuse de solidarité entre tous, il veut substituer une société du « chacun selon ses moyens ». A la liberté il répond par le contrôle renforcé des populations. A l’égalité il répond par plus de discriminations. En continuant sur le chemin du déni de la France réelle, en traçant la route imbécile de la violence verbale et de la mise à l’index, Nicolas Sarkozy mérite de moins en moins les honneurs de la fonction qu’il occupe…théoriquement dans l’intérêt de tous. Au service du pouvoir de l’argent, la droite actuelle est ennemie de la cause du bien commun et de la raison. A sa vision étriquée d’une petite France repliée sur elle- même, nous opposerons la grande idée d’une Nation qui sait que le plus important, avec ceux « venus d’ailleurs » comme ceux nés ici, est d’en faire des français à part entière, fiers citoyens de notre République. Et, puisqu’il faut dire un mot de l’insécurité qui semble justifier autant de bassesse de la part du gouvernement, disons seulement que notre pays sera rendu plus sûr lorsqu’il aura pris le parti de lutter contre la misère, de mettre le paquet pour une école de tous les enfants, de confier aux gendarmes et policiers des missions plus nobles que celles de chiffrer leurs actes comme on collectionne les figurines Panini, de renouer avec un service public d’égal accès pour tous, de privilégier l’industrie et l’agriculture nationales, de contribuer aussi à une autre politique de coopération et de développement avec les pays les moins avancés. Gageons alors que la France reprendra le chemin d’une société plus fraternelle.

D’ici que le pouvoir change de majorité politique, il nous reste à défendre inlassablement cette autre idée de la France et d’être présent avec celles et ceux qui font de la défense des idéaux de la République un combat qui ne se discute pas. Pour tous ceux-là, le prochain rendez-vous est le 4 septembre prochain.

Parti socialiste