The Last Airbender - Four nations, one destiny

Par Ashtraygirl

Je l'évoquais il y a peu dans un billet: M. Night Shyamalan a, depuis longtemps (et toujours), toute mon admiration, tant pour ses talents atypiques de storyteller que pour sa sensibilité de cinéaste teintée d'humanisme, et (souvent) d'une naïveté au charme désuet qui éclabousse ses films d'une aura spécifique.

C'est sans doute le réalisateur pour lequel j'ai le plus d'affection, affection dont le fondement reste flou, et qui me pousse invariablement à prendre sa défense, film après film, parfois en toute mauvaise foi, cherchant là où nul autre ne l'a vu les détails qui, à mes yeux, font de chacune de ses productions un trésor insolite unique, et donc plein de sens.

Avatar, enfin, The Last Airbender (maudit soit James Cameron) fait partie de ces films, dans la filmo de Shyamalan, qui ne m'ont pas transcendée, mais qui, par un charme étrange - ou le simple pouvoir de l'auto-persuasion - trouvent néanmoins grâce à mes yeux (à l'instar de La Jeune Fille de l'Eau, oeuvre incomprise s'il en est), mais dans une certaine mesure uniquement. Car, ici, j'ai peiné à retrouver les composantes fortes du cinéma de Shyamalan. Un peu comme si un élève avait cherché à appliquer les préceptes du maître, sans parvenir à guère mieux qu'un brouillon fastidieux. Et quand l'élève s'avère être le maître lui-même, la tolérante admiratrice que je suis a bien du mal à rester indulgente.

Encore que... 

La première chose qui saute aux yeux, et qui explique en grande partie le relatif loupé de ce Dernier Maître de l'Air, c'est que jamais, auparavant, on avait vu Shyamalan aux commandes d'un blockbuster. En fait, on n'imaginait même pas que cela soit possible. Le résultat s'avère des plus empruntés, maladroit, presque fastidieux. Au cours du visionnage, on a un peu la sensation que le réalisateur jongle avec une patate chaude, à la fois lent à démarrer son intrigue et pressé d'en finir avec autant de soucis logistiques. La narration, qui revêt des accents pédagogues proches de l'abêtissement, est pataude, saccadée, stigmatisée par un montage en dents de scie dont on ne comprend pas toujours les transitions à la truelle. Les dialogues évoquent un rite initiatique à la Star Wars, l'effet galvanisant en moins, redondants, plombants, déconcertants même. La profusion de personnages, jetés dans la mêlée sans plus de cérémonie, empêche une réelle empathie, et le héros, Aang (Noah Ringer), sorte de Little Buddha, manque de combativité, de hargne, face aux épreuves qui s'imposent à lui.

Visuellement, le tout reste assez beau - voire très beau, par moments - même si le traitement 3D, appliqué post-production, laisse dubitatif tant ses propositions sont pauvres. Le film trouve néanmoins son apogée dans sa dernière demi-heure, orchestrée autour d'un combat évoquant de façon troublante la bataille filmée par Peter Jackson dans Les Deux Tours. Si le mimétisme agace, le procédé est efficace, et fait oublier les plages d'ennui disséminées tout au long de l'intrigue. 

Sur le fond, la démarche reste louable, et sincère. Cet ôde à une planète s'articulant autour des éléments naturels sur fond de mysticisme bouddhique titille l'intérêt, envoûte parfois, sublimée par des chorégraphies de Tai Chi pareilles à des ballets aériens, voluptueux. Les séquences d'action pures sont efficaces, même si elles manquent toujours un peu d'âme, à l'image du reste du film. Un peu comme si, à trop se focaliser sur les détails techniques de la production, Shyamalan avait omis d'y insuffler cette passion si particulière qu'il a d'ordinaire pour ses projets. Un peu comme le Alice de Burton, on ne retrouve pas ici la "patte" Shyamalan, son brio, son goût pour la narration en détails, lente et sinueuse, se disputant aux règles établies des blockbusters calibrés. Celui-ci n'échappe pas à la règle, bridé par un sujet original déjà exploité (les connaisseurs de l'animé comprendront d'emblée bien mieux que les néophytes), et un âge minimum de visionnage abaissé au maximum. D'où un ton démagogique à outrance, plombant, embarrassant un peu plus une histoire déjà bien entravée.

Si le long métrage accumule les faux pas et les maladresses, le final, plus lisible et plus fluide, permet enfin l'adhésion et la révélation de quelques personnages, dont Aang et Zuko (Dev Patel), jusqu'ici trop effacés. A l'annonce des ultimes minutes et de la conspiration qui se met en place, l'intérêt est finalement décuplé et je me suis prise, à l'arrivée du générique, à attendre impatiemment la suite, malgré un visionnage en demi-teinte.

En résumé, Shyamalan se loupe sur un blockbuster qui ne correspond ni à sa façon de travailler ni à ses aspirations profondes - du moins, c'est ce qu'il en ressort - hésitant entre une narration plus intimiste et un déluge d'effets somme toute convaincants. Si Le Dernier Maître de l'Air avait été d'un tout autre réalisateur, je l'aurais peut-être jugé moins maladroit ou, paradoxalement, considéré avec moins d'indulgence. Il n'en demeure pas moins que, si celui-ci ne m'a pas totalement convaincue, je serais au rendez-vous pour un hypothétique prochain opus, avec le secret espoir que, cette fois-ci, l'histoire prendra son essor... et Shyamalan avec elle.


*Indice de satisfaction:

*1h43 - américain - by M. Night Shyamalan - 2010

*Cast: Dev Patel, Noah Ringer, Nicola Peltz, Jackson Rathbone, Shaun Toub, Cliff Curtis, Seychelle Gabriel, Aasif Manvi...

*Genre: Little Buddha...

*Les + : Un final galvanisant, des interprètes attachants, une philosophie fédératrice, quelques plans superbes...

*Les - : Une narration anarchique, maladroite, mal rythmée, mal adaptée au support, un ton trop démago...

*Lien: Site Officiel

*Crédits Photo: © Paramount Pictures