La mer

Publié le 21 août 2010 par Jlhuss

par l’anachroniqueuse

À l’heure où paraissent ces mots, je nage en plein bonheur. Je suis – mais quelle heure est-il donc ?- au bleu antique qui frappe les rochers de Capri. Je marche en sandales de cuir nu, les pieds polis, secs et hâlés par l’été, le cœur vif. Je sens – mais quel jour sommes-nous ?- la respiration des lauriers roses, des citronniers et des verveines, l’odeur boulangère des pins familiers, giflée par le souvenir heureux du jasmin, de la figue. J’entends la récitation des vagues et des cigales, le claquement des voiles, le croustillant des aiguilles sous mes pas. Voici ma mer, la mère, ma(d)re nostrum, de toute éternité. De Tanger aux côtes levantines, de Marseille, aux rives andalouses, de Porquerolles à Oran, toute ma vie et même bien avant cela, elle m’invite à rester dans ses jupons, à vivre de ses promesses. Les parfums que je porte sont toujours les siens, les souvenirs que je garde n’en sont jamais lointains, mes voyages timides ne quittent plus ce giron. L’homme que j’aime est l’un de ses fils aînés : l’œil noir, les pommettes hautes et le nez splendide. Elle m’appelle ma fille, benti, figlia mia, iglli. Sur son bleu de toile cirée où luisent les verres à thé et la liqueur d’anis, les festons d’écume moussent comme des couronnes de mariées ; le teint est flatté par ses indigos, l’âme éclaboussée par ses sables blonds ourlant le noir volcan de ses failles. Sous un soleil coupant les feuillages d’olivier, les fleurs d’agaves, dans la parure modeste de ses colliers d’argent, de corail, de Gorgone et Méduse, je suis bercée et toujours ramenée aux calanques corsaires et enfantines de ses fables.
Je flotte sur ses eaux profondes, j’écoute ; au-dessus de moi l’été n’en finira jamais.


Lana

[1 ère édition aout 2007]