La peur ne change pas de camp.

Publié le 21 août 2010 par Marx


   La grande bourgeoisie dort tranquille, son système s’étend et elle accumule toujours plus de richesses, jamais égalées de toute l’histoire de l’humanité. L’Etat, son instrument de classe n’est plus qu’un collecteur de fonds et ne conserve que partiellement ses fonctions régaliennes qui se limitent en fait en un appareil répressif. Ses crises ne sont qu’un moyen de s’enrichir davantage et ses gabegies sont payées par le travail. Elles ont pour corollaire la spéculation et la concentration du pouvoir économique et financier.
   La bourgeoisie n’a pas peur et c’est bien là le problème. En face, il y a une mosaïque de mécontentements, d’insatisfactions disparates et parfois contradictoires mais rien qui ne soit en mesure d’ébranler le système. Elle ricane même, de nos peurs et de nos faiblesses (Pivert) au point de se moquer royalement de ce qui est communément appelé « revendications ». Le rapport de force lui est idéologiquement et politiquement favorable. Ce n’est pas non plus le débat « droite gauche » qui est en mesure de la perturber. Certes les politiciens bourgeois et les représentants de la classe dominante ont quelques craintes pour leurs positions électives. La droite veut rester en place mais les maîtres décident et manipulent en fonction des rapports de force électoraux du moment.
   La grande bourgeoisie n’a peur que lorsque son système est en danger et c’est dans ces moments qu’elle négocie. Elle demande à négocier et généralement , elle cède. En 1936, la France est paralysée, « tout est possible s’écrie Marceau Pivert » le système capitaliste est remis en cause et la classe ouvrière tient bon. La bourgeoisie a peur et cède aux revendications essentielles. Elle est d’autant plus soulagée que le travail reprend et surtout pour les assurances indirectement reçues de la part de Léon Blum, qu’il n’y aura pas de conquête du pouvoir mais exercice du pouvoir.
   Après le Front populaire, la bourgeoisie s’évertue à reprendre les acquis des luttes ouvrières et reprend sa revanche en 1939. La deuxième grande peur, c’est la libération et la défaite nazie . Des biens sont confisqués et nationalisés, certains secteurs sont pendant un temps socialisés, des patrons pourchassés par les salariés. De nombreux maquis refusent de rendre les armes et deux thèses s’affrontent, nationalisations ou les socialisations préconisées par la SFIO. Les nationalisations l’emportent. La droite fait le dos rond, humiliée, elle accepte le dickat ou s’abstient et le programme du Conseil national de la Résistance est approuvé. C’est un programme de compromis, sous la peur.
   Pour que la grande bourgeoisie ait peur, il faut que son système soit remis en cause par les masses organisées. L’alternance ne lui fait pas peur, au contraire , c’est pour elle un exercice sain de sa démocratie afin de donner le change et donner l’impression et les illusions qui vont avec. De nos jours, les candidats à l’alternance ne sont pas ceux de l’alternative. On change mais le système reste, sain et sauf. De quoi la grande bourgeoisie se plaindrait elle et pourquoi négocier puisqu’elle a tout, pouvoir et opposition, dans des jeux de rôles, pour gérer le même système. L’Etat se chargera ensuite d’organiser partiellement la charité sociale pour tenter de panser les maux engendrés par le système. Il fait ce qu’il peut et il peut de moins en moins car l’essentiel des caisses publiques part vers le capital, à tel point que la charité devient une affaire privée, comme sous l’ancien régime et qu el riche ou personnage célèbre n’a sa fondation. Les dames patronnesses réapparaissent et heureusement les associations s’occupent de secteurs désertés par la force publique. C’est tout « bénéf » pour le capital qui en plus peut replacer ici où là quelques surproductions, sur le dos des producteurs locaux. Ils s’enrichissent même sur les famines.
   Alors dans nos pays, à quoi bon négocier et surtout céder quand on est en position de force et que la propre idéologie dominante devient un « dénominatif » commun , au pouvoir , et à l’opposition. Négocier sur le terrain du plus fort, dans le cadre de ses idées et avec ces mêmes idées, c’est « jouïssif » pour la bourgeoisie.
   « On veut des sous ! » la bourgeoisie s’en fout et la droite nous dit qu’elle en a trop besoin pour investir, ou que les caisses sont vides et à discussion comptable, les plus riches sont à la fête. Concurrence, compétitivité, productivité, autant d’arguments qui dans le cadre du système peuvent apparaître logiques, si on en accepte l’idée.
   Une masse organisée, consciente et déterminée est une puissance sociale et politique fondamentale que n’a jamais pu remplacer une mosaïque de groupes ni de mécontents. Une myriade n’est pas une masse. Que cette masse remette en cause le système capitaliste et se propose de l’abattre et là, la peur change de camp.
   Nous ne sommes plus dans la période des fortes croissances, parenthèse du compromis. Le néo libéralisme délivre sont fil, il poursuit imperturbablement sa logique et ne concède plus les miettes. Il est fini le temps, où il suffisait de demander 10% d’augmentation pour en obtenir 6. Il est fini le temps des soins pour tous, de l’enseignement républicain, du service public. Tout part et pas la moindre concession. Les revendications traditionnelles n’ont rien empêché, rien arrêté, parfois momentanément. Rien n’arrête le rouleau compresseur de la gabegie capitaliste , pas même ses propres scandales financiers et sa corruption galopante. La grande bourgeoisie ne cède que sous la contrainte engendrée par la peur car mieux que quiconque elle connaît parfaitement les vrais rapports de force. Pour que la peur change de camp, il y a du travail, plus de travail que jamais dans l’histoire du mouvement ouvrier international. Et puis le travail fait, s’il est fait, il n’y aura pour nous tous plus rien à négocier ,mais le capitalisme à abattre .