La dernière escapade de Maïa Simon

Publié le 24 décembre 2007 par Philippe Barraqué

La fin de vie dans la dignité reste un sujet polémique bien que l'opinion publique soit majoritairement pour la mort assistée. La comédienne Maïa Simon a franchi l'autre rive le 19 septembre 2007. Elle s'était confiée à un journaliste  de RTL, Olivier Geay, avant de partir pour son dernier voyage.

"Comme nous n'avons pas la possibilité d'accomplir cette chose en France, je suis obligée de partir à l'étranger et quelque part cette idée me séduit aussi, parce que ça me donne la possibilité d'une escapade avec mes amis qui me donnent la joie et qui m'aident à accomplir cette chose-là. Donc, nous partons ensemble et je vais accomplir ce dernier voyage et quand j'arriverai là-bas, eh bien ce sera le grand bond. Voilà, ça c'est une idée qui me plaît, parce que c'est actif et pendant que j'organise ce voyage, même s'il y a eu des moments difficiles, parce qu'il faut régler plein de choses, je dois avoir des bouteilles d'oxygène pour partir, etc., je ne pense pas à ma mort, je pense à cette évasion qui sera ultime."

Cette dernière équipée jusqu'aux frontières de la mort nous rappelle que ce rendez-vous inévitable fait partie de notre chemin de vie et doit s'intégrer le plus naturellement à notre existence, au lieu de l'occulter, de la refuser, de l'aseptiser sous le manteau stérile et froid de la science dite évoluée.

"Moi j'ai eu la chance d'aller en Inde. Donc, je suis allée à Bénarès et on s'est retrouvé avec l'ami avec qui j'étais sur ces "ghâts" où il y a des bûchers, avec des corps qui sont en train de se consumer dans des vapeurs d'encens." "Et si les gens ne sont pas choqués par ces bûchers, c'est parce qu'ils ont accepté le fait que tout être humain a une fin. Donc, on voit des gens qui sont en train  de brûler, et tout ça c'est une continuité, c'est un renouvellement." Bien sûr, ces gens en Inde n'ont pas accéléré ce moment de la fin de vie, ce chemin karmique à accomplir jusqu'au bout pour renaître avec une meilleure incarnation. Mais l'important réside dans cette acceptation de la mort, ce recyclage perpétuel de toute forme de vie.

Mais, malgré la maladie grave, le handicap très lourd, la vie ne vaut-elle pas d'être vécue? - Question très personnelle où chacun fixe une limite à ne pas dépasser : celle de la dépendance totale, de la souffrance, du manque de dignité humaine, de la non estime de soi, du poids que la dépendance fait peser sur l'entourage. C'est bien plus complexe que les "je ne me supporte plus. Il s'agit de se dire : est-ce que je vis encore des moments acceptables ou est-ce que je passe mes jours et mes nuits à combattre les affres d'un corps qui me lâche de plus en plus? Est-ce que je m'aime encore comme ça? Est-ce que j'ai épuisé toutes les ressources de la science médicale et si oui, pourquoi continuer et dans quel but? Il n'y a aucune raison d'être masochiste au point de voir son corps s'autolyser lentement: "... j'ai fait beaucoup de yoga et je suis à l'écoute de mon corps et j'ai eu eu le temps pendant cette longue maladie de sentir la dégradation de mon corps, de tout ce qui se passe à l'intérieur."

Maïa Simon a pris sa décision et ce dernier voyage vers la Suisse sera festif! "Ce à quoi j'ai pensé c'est qu'on va rejoindre ma famille, on va passer la soirée tous ensemble, on va dîner ensemble - oh moi je ne mange pas beaucoup - mais mes amis seront autour de moi. Le lendemain on reprend la voiture, on repartira, on aura encore une nuit tous ensemble, et puis après comme je vous dis, c'est le grand saut dans l'inconnu." Ses cendres seront dispersées au Kénya, un pays qu'elle a beaucoup aimé et où ses amis feront "une cérémonie avec les masaïs et les éléphants...""C'est une chose un peu magique et ça m'a beaucoup touché".

Que restera-t-il du message de vie de Maïa Simon? - "Le message c'est que, quand on vous permet d'accomplir ce que vous désirez profondément, on vous accorde une grande joie et vous trouvez une sérénité que je n'aurais jamais eu si j'avais dû aller dans un hôpital ou finir dans la dépendance et la déchéance. Ca c'est quelque chose que je ne supportais pas. Donc, si on m'accorde ce que je désire, eh bien je pars en toute sérénité, et quoi de mieux?"

Philippe Barraqué

Source : RTL, Olivier Geay, interview de Maïa Simon

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