Politique : le retour de la droite la plus bête du monde ?

Publié le 30 août 2010 par Delits

Avril 98, lors d’une réunion des cadres du RPR au Palais des Congrès, Nicolas Sarkozy présente un dessin plagiant une rixe dans le village d’Astérix comme métaphore des dissensions internes au parti.

Le slogan, sous forme d’autodérision, indiquait «Vous en avez marre de la droite la plus bête du monde? Nous aussi!!!».

12 ans plus tard, le même Nicolas Sarkozy qui a gagné du galon depuis, se retrouve à nouveau dans une situation difficile et pourrait  légitimement reprendre la célèbre formule de Guy Mollet à son compte. Avec une popularité historiquement basse de 36% d’opinion favorable après un plancher à 32% en mars – du jamais vu depuis 14 ans1 -, le leader de la droite française connaît également un niveau de confiance historiquement bas : à peine un quart des Français le pensent apte à résoudre les problèmes actuels de notre pays2.

Ce climat hostile s’inscrit dans le prolongement d’un long continuum d’érosion territoriale négative pour la droite depuis 1998 et pourrait se prolonger aux cantonales et aux sénatoriales l’année prochaine. Car, depuis 98, parallèlement à ses victoires aux présidentielles, la droite a multiplié les échecs aux élections locales. Le bilan comptable est sans appel : entre 98 et 2010, la droite a perdu 744 cantons, 34 départements et 18 régions.

Une nouvelle candidature de Nicolas Sarkozy

Le climat est tendu et l’avenir ne s’annonce pas radieux. Près des deux tiers (62%) des Français ne souhaitent ainsi pas que le chef de l’Etat se représente en 20123. Dans l’hypothèse d’une nouvelle candidature, il serait aujourd’hui battu par Martine Aubry 53% – 47 %4. Le score serait nettement plus lourd face à Dominique Strauss-Kahn (59% – 41%) dont les cercles influents annoncent (déjà) qu’il ne se présentera pas.

Peut-être pire : l’idée d’une défaite de Nicolas Sarkozy se répand progressivement au sein de l’opinion, y compris parmi les sympathisants UMP : 57% des Français pensent qu’il serait battu en 2012, tout comme 40% de sympathisants de son parti5.

Un climat tendu

Les nombreuses affaires de l’été, Joyandet, Blanc et en tête d’affiche Eric Woerth, dont on ne sait plus quoi lui reprocher tant les dossiers s’accumulent, ne facilitent pas la rentrée politique. Une proportion importante, encore minoritaire mais représentant près d’un Français sur deux, estime ainsi que ce dernier ne peut plus conduire la réforme des retraites6. Nous serons rapidement fixés puisque le grand mouvement social de protestation aura lieu mercredi prochain, le 7 septembre, jour du début de discussion du projet de loi à l’Assemblée Nationale.

Au sein de la majorité, les critiques se font également entendre : le 14 juillet dernier, 35 députés de la majorité ont lancé le « collectif de la droite populaire » qui surfe sur la déception des électeurs de Nicolas Sarkozy et qui ambitionne de revenir aux « fondamentaux ».

La droite prend de front plusieurs bides. Aux yeux des Français, tout d’abord, la politique économique est un échec. Bien que peu aidé par le contexte économique, le Gouvernement n’a jamais su faire passer la pilule de la loi TEPA (Travail, Emploi, Pouvoir d’Achat) et en particulier le « bouclier fiscal ». Les deux tiers des Français s’opposent à cette mesure7, 39% réclamant même sa suppression définitive avec notamment 46% de CSP+. La communication mise en œuvre autour de ce dispositif n’a pas su faire effacer le sentiment de cadeau aux riches, largement relayé par une partie de la presse et par les principaux opposants. 3 ans après l’élection de Nicolas Sarkozy, 58% des Français considèrent ainsi que ce dispositif « est contraire à l’idée» qu’ils se font de « la solidarité nationale ». D’une manière plus générale, près de 9 Français sur 10 considèrent qu’il faut « demander aux plus riches de participer davantage à la solidarité fiscale« .

La stratégie axée sur la thématique de l’insécurité en question

Une partie de la communication est centrée sur les questions de sécurité intérieure. Le passage au parlement du projet d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) constituera d’ailleurs une occasion privilégiée pour mettre à plat un certain nombre de débats. Est-ce une bonne stratégie ? Pas sûr. Les tests de popularité après le discours du 30 juillet dernier à Grenoble n’ont pas mis en avant d’effet positif probant.8. Parmi les explications de cet échec apparent, on peut se demander si le Gouvernement n’a pas visé à côté. En effet, les Français focalisent plutôt en ce moment sur le chômage et l’emploi (74%) et sur le financement des retraites (58%)9. La sécurité des biens et des personnes n’arrive qu’en 10ème position des principales préoccupations avec à peine un cinquième des Français le mettant en avant. Second point, Nicolas Sarkozy, qui avait forgé une partie de sa forte popularité sur son volontarisme sur cette question, se voit largement décrédibilisé. 55% des Français ne lui font ainsi pas confiance pour lutter contre l’insécurité10. Près d’un tiers considère même que celle-ci a « beaucoup augmenté ».

Troisième point, le durcissement du discours sur des questions d’immigration et de sécurité tend à cliver au sein même de la droite, effritant le socle dur des sarkozystes. Si les reproches affluent des institutions européennes, mondiales ainsi  que des autorités religieuses, l’aversion à l’égard du Gouvernement actuel pourrait s’accentuer, y compris parmi les sympathisants de droite. L’autre effet pervers de ce discours pourrait aboutir à accentuer le phénomène de légitimation des propos de l’extrême droite. Si la stratégie consistant à siphonner l’électorat de Jean-Marie Le Pen en 2007 a particulièrement été efficace,  les échecs et déceptions accumulés par les populations concernées pourraient les inciter à retourner vers l’extrême droite avec d’autant plus de virulence que le pouvoir gouvernemental aura validé une partie de ses thèses, sans plus de succès dans ses actions. Cela est d’autant plus envisageable que parmi les sympathisants FN, 82% estiment que la délinquance a augmenté ces derniers mois11, idem pour les ouvriers (66%) et les personnes âgées (72% des 65 ans et plus).

Des alliés habituels qui se détournent

Autre point noir : la fuite de certains poids lourds de l’électorat de droite. L’exemple des catholiques est assez révélateur. Les catholiques, dans leur ensemble, affichent une proximité pour les partis de droite plus élevée que la moyenne des Français (30.6% pour l’UMP contre 25.1% en moyenne). Parmi les pratiquants, cette tendance est encore plus marquée : 38.9% contre 25.1% donc, en moyenne. Or, depuis 2007, l’électorat catholique boit la tasse et son engouement pour le chef de l’exécutif s’en ressent largement. Alors que la cote de popularité du chef de l’Etat atteignait des sommets à 59% auprès de l’ensemble des Français, celle-ci planait à 63% auprès des catholiques non pratiquants et 74% auprès des pratiquants. Ces chiffres sont respectivement tombés à 37% pour l’ensemble de la population (-22%), 35% pour les non-pratiquants (-28%) et 47% pour les plus pieux (-27%).

Des jeunes encore plus nuls

L’été fut également marqué par les élections des « jeunes pop » qui furent pour le moins engagées. Des invectives, des dénonciations calomnieuses, des blogs anonymes descendant tel ou tel candidat : les petits n’avaient rien à envier aux grands.

Les erreurs de com furent également nombreuses. Les jeunes du parti majoritaire ont joué les apprentis sorciers avec des buzzs digitaux qui ont largement démontré leur incompétence en matière de communication. Ainsi,  le bide retentissant du LibDup pour les régionales («Changer le monde »)- au point de devenir une blague et une source de moqueries au Parlement et dans les cabinets ministériels (« Si vraiment tu te plantes, tu finiras dans un clip des jeunes pop ») – a mis en avant un certain malaise vis-à-vis de cette future nouvelle droite.

Derrière les blagues se cache une vérité tout aussi froide : le nombre de membres a très fortement diminué, de moitié selon les plus optimistes, des deux tiers selon les plus pessimistes…

Que faire ?

Un contexte macroéconomique particulièrement défavorable, des thématiques qui ne prennent plus, des ministres affaiblis, des erreurs de com et un électorat territorial glissant aboutisse à un terrible constat : en deux ans, la droite peut tout perdre. On ne fait volontairement pas référence ici aux pôles naissant à droite de l’UMP (Marine Le Pen) comme à gauche (De Villepin, Joly) prêts à s’avancer pour 2012 et qui feront l’objet d’analyse ultérieurement.

Le Sénat, dernier bastion inviolable de la droite, pourrait basculer à gauche, il ne resterait alors au PS « plus qu’à » remporter la Présidentielle pour s’octroyer tous les pouvoirs. Il serait bienvenu d’adapter les thématiques aux problématiques les plus porteuses électoralement en se recentrant sur les préoccupations des Français et de rectifier la communication afin d’éviter les erreurs commises ces derniers mois.