Ca y est.
Tous les meubles sont montés, non sans mal (je ne te parle pas du pneu éclaté à la sortie d’Ikéa)(la voiture pleine, bien sûr)(ni des deux heures de dépannage et du montage à l’envers.) Toujours est-il que je suis assis dans le canapé, que la télé fonctionne, que la table basse ne s’est pas encore écroulée, et que pour l’instant, j’ai l’eau courante.
Je sais pas si c’est la guigne, le karma ou l’acharnement divin mais le déroulement de ces derniers jours me laisse effectivement penser que j’ai du commettre quelque chose d’irréparable dans une vie antérieure (genre renverser un car de classe de neige avec un 33 tonnes une veille de Noël, ou danser sur du Miley Cyrus, sobre et en public).
Ça a commencé jeudi soir dans le train quand un papy que s’appelorio Roger s’est assis à côté de moi. Roger (75 ans, retraité cheminot) a décidé, « pour faire passer le temps », de se la jouer horloge parlante et d’énoncer toutes les 5 minutes et en mètre, la distance qu’il restait avant d’arriver. Autant te dire que pendant huit heures, Roger a failli être la victime d’au moins 15 meurtres. Ça s’est poursuivi tranquillement lundi matin en revenant de Machin-rama après avoir foutu le PIB du Laos dans un canapé-lit et des étagères. Voiture parentale blindée, 150 kilos de meubles, sièges baissés, épuisement notoire.
Et crevage de pneu. Si j’avais pu envoyer des mails d’insultes au trottoir qu’on a gratté, je crois que je l’aurais fait. Ça nous est pas arrivé depuis… ah ouai, jamais en fait. Pas de galette dans le coffre. Appelage du dépanneur, dépannage, changeage de pneu (extraction d’un rein)(pour payer). Je te parle pas de mon cher Papa qui aurait pu égorger une armée de René la Taupe à la lime à ongles pendant deux jours sans se lasser. Et puis ensuite, on a commencé par monter deux ou trois meubles à l’envers, parce que comme prévu, les notices étaient écrites en sri-lankais. Bref. Joie, bonheur et plénitude.
Alors maintenant, je suis assis dans cette oeuvre d’art contemporain qu’est le canapé-lit, et je me demande un peu ce que je fous là. J’ai dans le ventre un mélange d’impatience, d’angoisse, de peur et de naïveté, de joie électrique – comme dans ce morceau des CocoRosie qui ressemble à une litanie de rentrée des classes. J’ai 12 ans, j’ai acheté mon nouveau cartable, mes nouveaux crayons, des protège-cahiers tout neufs. Je meurs d’envie de les utiliser, mais j’ai pas encore le droit.
Il serait temps d’y retourner. On s’emmerde, là.
Loi de Murphy : « If it can go wrong, it will. »