LE DEUXIEME SOUFFLE (Alain Corneau - 2007)

Par Actarus682

Suite au décès d'Alain Corneau, l'un des plus grands réalisateurs français et personne adorable que j'avais eu la chance de rencontrer en 2007, je poste la critique que j'avais faite du Deuxième souffle à l'époque de sa sortie.

En 1966, Jean-Pierre Melville réalisait Le deuxième souffle, adaptation du roman éponyme de José Giovanni. Plus de 40 ans plus tard, Alain Corneau, spécialiste du film noir (Police Python 357, Le choix des armes et surtout le chef d'oeuvre Série noire), nous livre sa vision de l'histoire.

A travers le destin de Gu (Daniel Auteuil), gangster tout juste évadé de prison et s'embarquant dans un dernier braquage avant de raccrocher les gants, Corneau dépeint la métamorphose du milieu. Autrefois mû par le code de l'honneur et le sens de la parole donnée, il se transforme, tombe en déliquescence et se trouve finalement gangrené par la traîtrise, le mensonge, les actes de bas-étage et la perte de tout repère.

En cela, le film de Corneau remplit son contrat et parvient à nous faire ressentir, à travers les yeux de Gu, la fin d'un monde, celui duquel il est issu et dont il ne souhaite pas sortir, refusant de s'adapter à un univers qui ne lui ressemble pas.

Plastiquement, le réalisateur opte pour une photo tout en ocres, rappelant le visuel du film de Wong Kar Wai, In the mood for love. Ce parti-pris, loin de n'être qu'un pur effet de style, ancre au contraire l'histoire dans un monde à part, en marge, régi par ses propres lois et principes. La mise en scène de Corneau, collant parfaitement à son sujet, trouve son point d'orgue dans la scène de fusillade finale, bluffant travelling vertical dans un escalier, englobant dans le cadre Auteuil et la horde de policiers venus l'arrêter, dans une dilatation du temps pleine de sens et nullement vaine.

 

En revanche, la narration, oscillant entre longues scènes de dialogues et éclairs de violence fulgurants, pêche par un rythme bancal, le film souffrant sans conteste trente minutes de trop. La faute à des dialogues trop écrits, sonnant bien souvent faux, et rendant de ce fait nombre d'échanges hermétiques à toute immersion du spectateur. Côté casting, force est de constater qu'Eric Cantona aurait dû rester aux vestiaires, et que Monica Bellucci, cantonnée à un rôle oscillant entre le faire-valoir, la potiche de service et le simple pot de fleurs, n'apporte strictement rien à l'intrigue. En revanche, Blanc, Dutronc et Auteuil relèvent le niveau, mais l'on ne peut que constater une direction d'acteurs plus qu'approximative, ces pointures du cinéma ayant par le passé livré des prestations beaucoup plus convaincantes.

Au final, c'est avec un goût doux-amer que l'on ressort de la salle, ce Deuxième souffle n'étant finalement pas à la hauteur des attentes qu'il aura suscitées. Mais l'on saura gré à Corneau d'avoir fait revivre au cinéma ces truands à l'ancienne, affranchis et totalement isolés.

En cela, le sublime plan final d'une ruelle en plein éveil au petit matin, où la vraie vie reprend le pas sur un monde totalement en marge et finalement parallèle, en est l'expression la plus visuelle. Et de fait, cinématographiquement, la plus éloquente de toutes.