La France est sauvée !

Publié le 03 septembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Les Français ne le savent pas, en dépit du concert de louanges des médias, car ils ont encore l'esprit en vacances, mais l'économie française est enfin sauvée, la croissance est de retour et avec elle tous ses effets bénéfiques. « Nous sommes dans un cercle vertueux de croissance » affirme Christine Lagarde. Raison de cet enthousiasme : ce que Le Figaro ose appeler un « net rebond du PIB français au deuxième trimestre ». Qu'on en juge : 0,6% en trois mois, un rythme annuel de plus de 2% ! Un vrai miracle français. La preuve par les chiffres que le gouvernement a fait, avec la relance, un choix judicieux qui porte ses fruits. Et si la réalité était, hélas, radicalement différente ?

Un miracle : 0,6% de croissance !

Commençons par les chiffres, même si nous savons les limites des exercices conjoncturels, le chiffre rectifié venant contredire le précédent et la tendance de fond étant rarement résumée par le dernier trimestre ! Mais puisque le gouvernement brandit ses chiffres comme un trophée, regardons les. Pour le second trimestre, la croissance française a effectivement été de 0,6% ce qui n'a rien de spectaculaire, car si ce chiffre se maintenait pendant quatre trimestres, cela ne donnerait que 2,4% pour l'année : un échec. Il est vrai qu'il y a du mieux par rapport au premier trimestre, où la croissance n'avait été que de 0,2%, soit un rythme annuel de 0,8% : un désastre. Passer du désastre à l'échec ne mérite pas de grands cocoricos.

Cependant, nos dirigeants mettent en évidence la reprise de l'emploi. De fait, 23 900 emplois ont été créés au premier trimestre et 35 000 au second, soit en tout un peu moins de 60 000. Parfait. Mais c'est bien peu de choses par comparaison avec les emplois perdus en 2009, surtout au cours des trois premiers trimestres (respectivement 158 200, 92 800). L'embellie de fin 2009 (perte de 7.300 emplois) est-elle en train de se confirmer ?

On en vient ainsi à s'interroger sur les frissonnements des données conjoncturelles. Pour nous rassurer définitivement, la thèse officielle nous rassure en soulignant que les « fondamentaux » seraient bons.

Les fondamentaux

Ce sont les bases durables d'une reprise, les moteurs d'une croissance qui ne manquera pas de s'affirmer au cours des mois prochains.

Premier moteur : les investissements. Ils ont été en hausse de 0,8% au cours de ce second trimestre. Mais cela comprend les investissements privés et publics. Dans les premiers, on inclut la reconstitution des stocks des entreprises, ce qui ne concourt pas vraiment à la croissance future. Quant aux investissements publics, dont le gouvernement fait grand cas, ils pèsent plus pour accroître nos déficits que pour stimuler la croissance.

Au demeurant ce léger rebond ne suffit pas à combler le recul de 0,9% des investissements au premier trimestre, venant lui-même après des reculs de 1,3% puis de 1,1% aux troisième et quatrième trimestres 2009. Parler de reprise par l'investissement est assez osé, quand celui-ci n'a cessé de reculer les trimestres précédents, et que le retard pris est loin d'être comblé.

Observons maintenant le fameux moteur de la croissance, tant vanté en France : la consommation. Après avoir totalement stagné au premier trimestre, elle a progressé de 0,4% au second. Le moteur est bien grippé. Mais s'agit-il d'un moteur ? Malthusiens et Keynésiens le pensent, puisqu'à leurs yeux seule importe la dépense. Mais les Français ont une autre opinion. Leur choix s'est porté sur l'épargne, dont le taux a dépassé 16%. Ils sont inquiets pour l'avenir, notamment de leurs retraites, et ne croient guère à la reprise, encore moins dans la relance ; ils s'attendent à des jours plus difficiles encore et à des impôts plus lourds. Ils règlent leur consommation non pas sur quelques coups de pouce éphémères donnés au pouvoir d'achat dans le cadre de la relance, mais sur les perspectives de leurs revenus dans les mois à venir.

Enfin, reste le commerce extérieur, autre « moteur ». Où en est-il ? Le déficit se creuse, ce qui en soi n'est pas dramatique, car importer n'est pas un handicap - loin de là - mais le déficit traduit aussi notre perte progressive de compétitivité. Les experts de l'INSEE, qui n'ont pas toujours tort, montrent que le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance ces derniers temps. Pas de quoi pavoiser là non plus.

A la traîne derrière les autres pays

On connaît le proverbe : quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console. Alors comparons-nous. Laissons de coté la Chine, l'Inde et autres pays émergents, on est sur une autre planète, même s'il serait bon de se demander pourquoi. Les Etats Unis sont en pleine déconfiture, dit-on volontiers. Oui, puisque le second trimestre n'a connu que 2,4% de croissance en termes annuels. Lamentable, disent les médias, la reprise s'essouffle dit l'un, la Fed s'alarme de cet essoufflement, remarque l'autre. Sans doute, mais 2,4%, c'est le chiffre français : s'il est mauvais en Amérique, il est mauvais en France. De plus, le chiffre américain vient après 5% et 3,7%.

Reste l'Europe. La vieille Europe est la zone qui a la plus faible croissance au monde. Et on peut même y trouver pire que chez nous : la Grèce connaît encore une croissance négative, l'Espagne se traîne à 0,2%, l'Italie à 0,4%. Mais ce ne sont guère des modèles de vertu, on l'a assez vu ces derniers temps. Mais comparons ce qui est comparable, c'est-à-dire la France et l'Allemagne : au premier trimestre, l'Allemagne connaissait une croissance de 0,5% (contre 0,2% chez nous) et au second de 2,2% (0,6% chez nous). 2,2%, c'est 8,8% en termes annuels ! Nous voilà loin du compte. Bien sûr, cela ne durera pas à ce rythme là. Mais personne n'a ri quand le ministre allemand de l'économie a affirmé que « la reprise en Allemagne est de format XL », car elle est avant tout tirée par un boom remarquable des exportations : l'Allemagne tire profit à plein de la reprise mondiale. La France, non.

Socialisme ou liberté économique ?

Il faut donc dépasser l'apparence des chiffres de conjoncture pour regarder le fond du problème. Au delà des épiphénomènes, de quelques dixièmes de point ici ou là, la tendance de fond est mauvaise, la France se traîne à des niveaux de croissance qui ne permettent ni vraie diminution du chômage, ni hausse réelle des revenus.

Faut-il s'en étonner ? La France est désormais championne du monde des dépenses publiques. Certes, nous nous sommes glorifiés, compte tenu de cette rigidité, d'avoir connu une récession plus faible que d'autres ; quand on est attaché, si on ne peut tomber très bas, grâce à cet artifice, on ne peut non plus monter très haut. Nos amis de Contribuables associés ont noté que cette année, le jour de la libération fiscale était passé du 15 juillet au 28 juillet. Jusque là, on travaille pour l'Etat. Mais selon le gouvernement, les impôts auraient baissé !

Qui refuse la vraie concurrence et préfère les privilèges des professions fermées, au mépris des directives européennes ? Qui a un secteur public pléthorique ? Qui, parmi les démocraties, s'enorgueillit d'avoir un « fonds souverain à la française », qui gère les participations de l'Etat et pour lequel un « monsieur participations publiques » a été nommé en conseil des ministres ? Qui freine ou refuse l'ouverture des services publics à la concurrence ? Qui refuse de libérer certains prix ? Qui a peur de la mondialisation ? Qui accepte les rigidités des prix (le Smic), ou administratives ou sociales sur le marché du travail ? Qui envoie préfet ou ministre, voire Président, au chevet de la moindre entreprise en difficulté, lui promettant la manne publique ? Qui refuse les profits et subventionne les pertes ? Qui a totalement monopolisé la protection sociale, l'éducation, les retraites, l'assurance maladie ? Qui refuse de s'attaquer aux vrais problèmes du déficit du budget et de la sécu et de l'explosion de la dette publique ?

Ces vices fondamentaux se traduisent dans l'indice de liberté économique publié chaque année. Qui nous classe 33ème, venant après la plupart des pays développés, mais aussi bien après le Chili, l'Estonie, Panama, Maurice, les Emirats arabes Unis, Bahreïn, le Costa Rica, le Salvador, le Honduras, le Koweït ou la Corée du sud. De quoi être fiers, n'est-ce pas ?

En fait, sans liberté économique, pas de croissance durable. Nous préférons le « développement durable », c'est-à-dire les réglementations étatiques. Exagération d'intellectuel libéral ? Valery Giscard d'Estaing – un expert en la matière- avait déclaré que le socialisme commençait à 40% de prélèvements obligatoires. Le chiffre avait d'ailleurs été franchi sous son septennat ! Cela fait plus de trente ans. Depuis lors, la dérive étatique n'a fait que s'accentuer. Voilà pourquoi l'économie française n'est pas sauvée. Mais qui est dupe ?