Jeux d'argent en ligne: 1ère décision depuis la légalisation

Publié le 14 septembre 2010 par Nicolog

Dans une ordonnance du 6 août 2010 (ARJEL / Neustar & Autres), le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a ordonné à huit fournisseurs d’accès à Internet d’empêcher par tous moyens appropriés l’accès au site de paris en ligne www.stanjames.com qui n’avait pas reçu l’agrément de l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux En Ligne) pour exercer légalement son activité sur le territoire français.

Il s’agit de la 1ère décision rendue en application de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne

Rappelons qu’aux termes de l’article 21 de la loi du 12 mai 2010 une entreprise qui souhaite exercer légalement en France une activité d’opérateur de jeux ou de paris en ligne doit solliciter un agrément préalable auprès de l’ARJEL.

Le fait d’exercer une activité de jeux ou de paris en ligne sans agrément est sanctionné par l’article 56 de la loi :

« Quiconque aura offert ou proposé au public une offre en ligne de paris ou de jeux d'argent et de hasard sans être titulaire de l'agrément mentionné à l'article 21 ou d'un droit exclusif est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 € d'amende. Ces peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 200 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. »

Par ailleurs, l’article 61 de la loi fixe la procédure de blocage des sites illégaux que l’ARJEL peut mettre en œuvre :

« L'Autorité de régulation des jeux en ligne adresse aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne non autorisés en vertu d'un droit exclusif ou de l'agrément prévu à l'article 21, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure rappelant les dispositions de l'article 56 relatives aux sanctions encourues et les dispositions du deuxième alinéa du présent article, enjoignant à ces opérateurs de respecter cette interdiction et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de huit jours.

 

A l'issue de ce délai, en cas d'inexécution par l'opérateur intéressé de l'injonction de cesser son activité d'offre de paris ou de jeux d'argent et de hasard, le président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'ordonner, en la forme des référés, l'arrêt de l'accès à ce service aux personnes mentionnées au 2 du I et, le cas échéant, au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

 

Le président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d'un opérateur mentionné au deuxième alinéa du présent article par un moteur de recherche ou un annuaire.

 

Dans le cas prévu au premier alinéa, l'Autorité de régulation des jeux en ligne peut également être saisie par le ministère public et toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

 

Un décret fixe les modalités selon lesquelles sont compensés, le cas échéant, les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des personnes mentionnées au   1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée au titre du présent article. »

En l’espèce, il n’était pas contesté que le site Internet www.stanjames.com proposait des offres de jeux et paris en ligne accessibles sur le territoire français sans avoir reçu l’agrément prévu à l’article 21 de la loi.

Il était également établi que société Stan Gibraltar Ltd, n’avait pas exécuté dans un délai de 8 jours l’injonction de respecter l’interdiction de mise en ligne à défaut d’agrément qui lui avait été régulièrement adressée par le président de l’Arjel en vertu de l’article 61 alinéa 1 de la loi.

L’ARJEL a donc assigné en référé l’hébergeur du site Stanjames, la société Neustar et les 7 principaux fournisseurs d’accès à Internet français (Numéricable, France Télécom, SFR, Free, Bouygues Télécom, Darty Télécom et Auchan Télécom) sur le fondement de l’article 61 alinéa 2 de la loi.

Pour s’opposer à la mesure de blocage du site litigieux sollicité par l’ARJEL les FAI soutenaient en substance que :

·   L’article 61 de la loi était inapplicable car le décret qui devait fixer la compensation financière des hébergeurs et FAI auxquels une mesure de blocage était ordonnée n’était pas publié.

Le Tribunal a rejeté cet argument en considérant que les alinéas 1 et 2 de l’article 61 ne nécessitaient de mesures d’application et que par conséquent ils étaient autonomes du dernier alinéa qui lui en revanche nécessitait la publication d’un décret pour entrer en vigueur.

En substance, tant que le décret ne sera pas adopté les hébergeurs et FAI devront mettre en œuvre des mesures de blocage sans pouvoir se prévaloir d’une compensation financière.

·   Les dispositions de l’article 61 de la loi sont contraires à l’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales dans la mesure où il n’exige pas que l’opérateur de jeux, en l’espèce Stanjames, soit attrait dans la cause.

Le Tribunal a rejeté cet argument considérant que la loi autorisait Stanjames à solliciter un agrément auprès de l’ARJEL et de contester la décision de cette dernière en cas de refus d’agrément par voie d’un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat.

·   Aucune mesure de blocage ne pouvait être ordonnée hors la présence de l’hébergeur, en l’espèce Neustar, du site Internet litigieux.

Le Tribunal a rejeté cet argument en précisant que l’article 61 ne déterminait pas d’ordre dans les mises en cause.

Le Tribunal a en conséquence fait droit à la demande de l’ARJEL et a enjoint « aux sociétés Numericable, Orange France, France Telecom, Société Française de Radiotelephone - SFR, Free, Bouygues Telecom, Darty Telecom et Auchan Telecom, de mettre en œuvre ou faire mettre en œuvre, sans délai, toute mesure de mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au contenu du service de communication en ligne accessible actuellement à l’adresse http://www.stanjames.com ».