Et tout a commencé par une voix…

Publié le 18 septembre 2010 par Philippe Thomas

Poésie du samedi 8 (nouvelle série)

Chaque découverte (d’un texte, d’un auteur, d’une idée…) m’apparaît comme inaugurale d’un nouveau possible, porteuse d’une extension de mon petit univers personnel, articulation neuve vers le grand Tout l’Univers dont je participe à ma toute petite mesure. C’est comme un nouveau commencement… Et cette notion de commencement, j’en ai trouvé un bel écho dans cette trouvaille toute récente chez l’un de mes bouquinistes préférés (merci Laurent !). On pense bien sûr au Bereschit (qu’on doit plutôt penser comme un « commencement du commencement ») de la Genèse et au prologue de l’évangile de Jean sur le verbe créateur.

Cette Thaïs Cechi de Boë a bien senti le souffle de ce verbe sacré dont elle livre ici comme une palpable mélopée. Je ne sais absolument rien de cette poétesse dont ces Sépales furent tirés à 500 exemplaires en 1963 et dont un exemplaire me parvient via les aléas de la circulation des livres et des gens… Un moteur de recherche bien connu m’apprend qu’un autre exemplaire ayant appartenu à Isaac Stern est proposé à la vente par un libraire américain… Il me plaît d’imaginer que Thaïs est aussi musicienne. Je n’en sais rien. Et puisqu’il en est ainsi, je ne diffère pas davantage son bel énoncé qui efface tout mon bavardage inaugural…

Et tout a commencé par une voix

une voix

lumière des mondes

une voix

jour dans la nuit

une voix

verbe sacré

paroles chuchotées

paroles murmurées

paroles voilées

paroles

paroles

paroles

des mots

des milliers de mots

un océan de mots

vagues et remous

cadences et rythmes

des mots

toujours des mots

et une chaîne de pensées

une voix et toutes les voix

symphonie irradiante

dans la vie à sa vie

amour flammes et laves

premier souffle

ou gémissements

vagissements

halètement

cris et plaintes

sanglots

mer de sanglots

puis la colère

instrument discordant

tout a commencé par une voix

pour des milliers

milliers de voix

accord d’une seule voix

une voix au principe

de toutes choses

une voix

verbe sacré

sacré

sacré

Thaïs Cecchi-de Boë, Sépales. Taninges, éditions Jeune poésie,1963.Préface de Pierre Thée, illustrations de Serge Cecchi. Je ne sais donc rien de cette poétesse ni de son illustrateur, ni de son préfacier… Face au poème du commencement, on peut lire celui de l’asile béni :

Connais-tu l’asile béni

mer d’améthyste

aux tréfonds abyssaux

rythmant le respir énorme

mer d’améthyste

fulgurances d’or

embrasant l’essence

remous éternels

ports départs et retours

mer d’améthyste

éblouissement

et connaissance

amour sublime

incandescent

mer d’améthyste

vérité de commencement

au principe du Verbe

connais-tu l’asile béni