Naša Priša (Notre histoire), Francis Bueb, Malraux de Sarajevo

Publié le 05 avril 2010 par Kiwibleu By Patricia Ramahandry

Il y a quinze ans, Francis Bueb, alsacien, créé, dans une ville assiégée, ce qui allait devenir le Centre André Malraux. Nous sommes en 1994, à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). L'homme apportait des rations de survie et d'espérance contre l'oubli de tous. Il avait en lui suffisamment de révolte, de foi, d'art et de pensée.
Aussitôt des photographes, des écrivains, des cinéastes, des comédiens, des chanteurs le rejoignent, porteurs d'un lien indestructibles entre Sarajevo et eux.
Quinze ans plus tard, le Centre est toujours là, lui aussi. Et il a fait du Centre André Malraux un foyer incontournable de la vie culturelle à Sarajevo.
Pour cet anniversaire, du 18 décembre 2009 au 15 janvier 2010, à Sarajevo, se tenait une exposition de photographes, témoins de Sarajevo dans la guerre. Uniquement des grands noms : Alexandra Boulat, Luc Delahaye, James Natchwey, Laurent Van der Stockt, Klavdij Sluban...
Cette exposition est enfin à Paris, du 7 avril au 3 mai 2010 !

Wikio


Sarajevo mourait de froid, de faim, de peur et se réfugiait dans son mutisme. Les consciences européennes étaient pour la plupart assoupies. Les bombes, les snipers, la mort s'appelaient quotidien. Nous étions en 1994...

15éme aniversaire du Centre André Malraux de Sarajevo créé et dirigé par Francis Bueb



Centre André Malraux

Mula Mustafe Baseskije 8
71000 Sarajevo
Bosnie et Herzégovine
Tel/Fax: (387 33) 471 975 / 206 889/ 668 605

Paris-Sarajevo-Europe (loi 1901)

26, Rue de Saintonge
75003 Paris
France
Tel: 33 (0)1 48 87 21 61
Fax: 33 (0)1 48 87 21 17
Email: malraux@bih.net.ba
Web: www.malraux.ba


Qui êtes-vous Francis Bueb ?

Ancien responsable des rencontres culturelles de la Fnac, Francis Bueb débarque à Sarajevo avec ses caisses de bouquins, ses trois sous et sa bonne volonté.
Il ouvre d'abord une librairie, puis loue un bel appartement. Il le repeint, y installe des meubles, des plantes, une bibliothèque, une télé et un magnétoscope.
Dans cette ultime bulle d'espoir flottant vaille que vaille à la surface du chaos, les habitants de Sarajevo, en particulier les jeunes et les étudiants, peuvent s'évader le temps d'un après-midi.
Lire un poème ou un roman en écoutant Mozart, regarder un film, boire un verre, apprendre le français. Et puis se rencontrer, parler. Surtout parler. Guidé par la figure tutélaire de Malraux, Bueb réussit des petits miracles, fait venir du monde, sert de relais aux bonnes volontés qui, en France, veulent aider. Il force à regarder en face ce cauchemar au moment où certains préfèrent encore détourner les yeux.

Quinze ans plus tard, et toujours là

Avec Francis Bueb, on est avec bonheur à des années-lumières des intellectuels qui cherchent à récupérer le malheur (cherchez mon regard). Installé depuis 16 ans à Sarajevo, le directeur du centre culturel français André Malraux à Sarajevo a été élu, il y a quelques jours, par le conseil municipal "Citoyen d’honneur" de la capitale bosnienne.
Une cigarette au bec, un verre de vin à la main, le regard ailleurs, Bueb cite Saint-Exupéry: «Ici, on a tué comme on déboise.» Un grand silence, puis: «Et la saignée continue.» Passé le temps des bombes, Sarajevo, comme le reste des Balkans, vit à présent des lendemains de guerre parfois pires que la guerre. «Ici, il n'y a plus de travail, plus d'Etat, plus d'espoir. Les élites parties au moment du siège ne sont jamais revenues. Les jeunes ne rêvent que d'une chose: fuir.» Ne restent que les mines, partout dans le pays, sur lesquelles butent et meurent encore des enfants imprudents. Et les interminables files d'attente devant les ambassades pour tenter d'obtenir un visa.
Aujourd'hui, au Malraux, nous sommes dans une atmosphère de club chic, de foutoir raffiné aux allures germanopratines où, sur le parquet ciré, traînent une photo de Malraux ou de Bouvier, une Pléiade de Rimbaud ou de Mallarmé, un disque de Gainsbourg ou de Manu Chao, une cassette de Gabin ou de Fellini.
Oui, le Centre a évolué. Car Bueb le rêveur, le visionnaire, celui que l'on nomme amicalement "le français fou" à Sarajevo et, qui a tant énervé les institutions françaises, est resté à Sarajevo non seulement pour dispenser des cours, mais surtout pour tenter de rendre sa place, au sein de l'Europe, à une ville mythique et à un peuple qui se sentaient oubliés, abandonnés.

Et Sarajevo ?

Bien sûr, en apparence, la ville va mieux. Même si les impacts de balle vérolent encore les façades, on a repeint, reconstruit, colmaté les trous béants. Mais les séquelles sont dans les têtes. Elmedina, une traductrice qui a vécu les trois ans et demi de siège, explique: «J'ai toutes ces années perdues de ma vie à rattraper, mais je n'y arrive pas, je n'en ai plus la force. J'aimerais vivre le présent, mais c'est impossible. Après l'enfermement physique, je me sens enfermée mentalement. Je suis fatiguée. Je ne sais plus avancer.»
Durant le siège, la consigne du général serbe Mladic était claire: «Rendez-les fous !» 200 000 morts, dont 12 000 à Sarajevo. En Bosnie, chacun a au moins un tué, un disparu ou un réfugié dans sa famille. Et le moindre feu d'artifice tétanise encore la population qui a vécu les 44 mois de siège.
Hier symbole de la multiculture, Sarajevo a perdu aujourd'hui une bonne part de son identité, de son âme, de sa richesse. La Bosnie-Herzégovine traverse une période politique et institutionnelle instable et dangereuse. Les divisions ethniques et le communautarisme se renforcent. Les partis politiques nationalistes imposent l’appartenance ethnique comme seul élément identitaire possible. La perspective des élections à l’automne prochain exacerbe ce climat.
L’Europe, elle, semble garder un silence gêné face à la Bosnie-Herzégovine et observer son évolution de loin...

A Paris, il y a aussi...


mercredi 7 avril 2010 à partir de 19h : Rencontre dédicace autour du livre de Ozren Kebo, « Bienvenue en enfer – Sarajevo mode d’emploi » aux éditions La Nuée Bleue
En compagnie de son directeur Francis Bueb et son équipe, avec les artistes et intellectuels, bosniaques et français, qui accompagnent le Centre André-Malraux depuis l’époque du siège de Sarajevo, et avec les photographes de l’exposition « Notre histoire » présentée chez Agnès b. Bar 61 - 3, rue de l’Oise – 75019 Paris - Tél. : 01 42 05 09 17
mercredi 7 avril de 17 à 19h : Débat : la Bosnie et l’Europe
Intervenants :
Srdjan Dizdarevic, membre de la direction politique de Naša Stranka et ancien Président du Comité Helsinki pour les droits de l’homme - Bosnie-Herzégovine
Danis Tanovic, cinéaste
Modérateur :
Jacques Rupnik, Directeur de recherches au CERI – Sciences - Po
CERI – Sciences-Po 56 rue Jacob 75006 Paris



Merci Francis.
Bons yeux à tous !