Il a un chien, Mungo, un chat, celui de Schrödinger, un petit garçon autiste et une petite fille délurée. Mais ce ne sont que les personnages secondaires. Le commissaire Jury, flanqué de son aristocrate rentier Melrose, vont avoir à débrouiller une histoire jamais entendue – inouïe – dans les salons de cuir et bois du club masculin Boring’s (to be boring veut dire s’emmerder).
Tout commence par un inconnu, croisé devant un verre de vin fin, dans un bar de la City. Harry conte en passant l’histoire d’une disparition, celle de la femme d’un ami, de son gamin et de son chien. Un an est passé… et seul le chien revient. Où sont donc la mère et le fils ? C’est là qu’intervient la physique quantique. Le père, resté seul et dépressif, est un physicien réputé, qui a publié avec plusieurs prix Nobel. Dès lors, l’hypothèse de Schrödinger s’introduit dans l’intrigue. Un chat est un chat, mais celui de Schrödinger est particulier : il peut être à la fois vivant et mort. Pourquoi ? Parce que qu’on ne peut le savoir sans modifier son état : qui l’observe le tue. Alors, est-il ou n’est-il pas dans la boite ? L’hypothèse quantique postule qu’il y est et qu’il n’y est pas, simultanément. Serait-ce le cas de Glynnie et de Robbie, la femme et le petit garçon ?
Evidemment, l’absurde a ses limites, même en Angleterre. Passer de l’autre côté du miroir est certes un sport national pour les petites filles depuis Alice, mais celles d’aujourd’hui n’ont pas les yeux dans leur poche et gardent les pieds sur terre, même si elles savent comme personne grimper à un arbre. Le lecteur sera captivé par un début bien mené, flottera une centaine de pages vers la moitié, comme si l’auteur cherchait à se dépêtrer du paradoxe qu’elle a créé et ne savait comment - avant de caracoler dans les cent dernières pages pour une conclusion certes terre à terre, mais qui garde tout le charme d’une intrigue classique. Même si la morale n’est pas vraiment sauve à la fin…
Le livre aurait gagné à être resserré et à voir supprimer quelques chapitres de café du commerce avec les villageois de Melrose. Ils n’ont rien à dire, embrouillent tout et n’ont rien à voir avec le récit. Mais il reste une intrigue intrigante, un polar bien poli, dans une Angleterre où le bizarre ne fait jamais peur. Nous conseillons cependant au lecteur de ne pas lire par petits bouts, sous peine de ne rien comprendre, mais par tranches de cent pages à chaque fois. Il risque sinon le destin du chat de Schrödinger, celui d’être hors du sens et dedans en même temps.
Martha Grimes, Le paradoxe du menteur (The Old Wines Shade), 2006, Pocket janvier 2010, 475 pages, 6.93€.