L’Affaire Bettencourt-Woërth & le match Courroye-Nadal… premier set : encore une «balle faute» de Courroye !

Publié le 28 septembre 2010 par Kamizole


Ne nous emballons pas ! C’est incontestablement une première victoire, tout du moins sur le plan éthique. Preuve s’il en était besoin que tous les procureurs et avocats généraux ne portent pas la livrée de la Maison Sarko. Outre Jean-Louis Nadal, de mémoire je citerais Philippe Bilger (Paris) et Eric de Montgolier (Nice)… Il en est certainement d’autres.

Comment s’en étonner sachant que le 8 janvier 2007 lors de son discours à l’occasion de la rentrée solennelle de la Cour de cassation Jean-Louis Nadal plaida en faveur de l’indépendance du parquet «Pour autant, qui peut dire que le statut actuel du parquet est satisfaisant ? La première vertu de la justice est l’indépendance. Sans indépendance, pas d’impartialité et sans impartialité pas de justice. Or, le parquet n’est pas indépendant».

Nicolas Sarkozy n’était alors que candidat mais différentes prises de position contre les juges démontraient déjà à l’envi qu’il ne serait nullement un ardent défenseur de l’indépendance de la justice. Et c’est sans doute en pensant à cette prestation qu’il compara les magistrats de la Cour de cassation à «des petits pois alignés dans une boîte». Honte sur lui !

Je n’ai donc point boudé mon plaisir en lisant hier soir le titre de l’article du Monde (27 septembre 2010) Affaire Woerth : le parquet de la Cour de cassation demande la saisine d’un juge d’instruction. Jean-Louis Nadal, procureur général de la Cour de cassation – la plus haute instance de l’ordre judiciaire – s’était déjà illustré il y a peu de temps – toujours sur l’affaire Bettencour-Woêrth – en “envisageant de saisir la Cour de justice” pour les faits reprochés à Eric Woerth en qualité de ministre du Budget. A savoir, «son intervention éventuelle en matière fiscale pour un contribuable employeur de son épouse et aussi la vente – contestable – des terrains de l’Oise».

Ce qui, rappelons-le, ne préjuge nullement de sa culpabilité en vertu du principe - que Nicolas Sarkozy sait si bien fouler aux pieds - que nul n’est coupable avant d’avoir été déclaré définitivement tel par un jugement ou un arrêt (Cour d’appel et de Cassation).


Mais serait-ce une victoire à la Pyrrhus ? Je me le demandais sérieusement dès hier soir et un autre article du Monde (également du 27 sept 2010) lu ce matin confirme mes craintes Affaire Woerth-Bettencourt : le procureur Courroye veut poursuivre son enquête préliminaire. Juridiquement, je ne vois pas ce qui pourrait l’en empêcher. Jean-Louis Nadal a beau être au sommet du parquet, il n’a aucun pouvoir hiérarchique sur Philippe Courroye qui, comme lui, dépend directement de la Chancellerie.

Bien sûr, on pourrait imaginer que Michèle Alliot-Marie ordonne à Philippe Courroye de saisir un juge d’instruction. Mais c’est là une simple hypothèse d’école dont il m’étonnerait qu’elle se vérifiât. Quand bien même le souhaiterait-elle, il serait douteux que l’Elysée la laissât faire. Sinon, l’on de demande bien pourquoi Nicolas Sarkozy, et ses chiens de garde de l’Elysée et de l’UMP auront bataillé depuis plus de 3 mois – et même depuis 2008 s’agissant de la plainte de Françoise Bettencourt-Meyers contre François-Marie Banier pour «abus de faiblesse»… sachant sans doute que les volets politiques feraient immanquablement surface – afin qu’il n’y ait pas intervention d’un juge d’instruction – indépendant – dans ce dossier.

Le titre du Journal du dimanche est fort explicite : Courroye ne lâche pas Woerth. Et quand à Woërth lui-même, il témoigne de la même attitude méprisante et surtout ! hypocrite en déclarant hier, lors de la visite d’une entreprise à Bonnières-sur-Seine (Yvelynes) où il prêchait la bonne parole au sujet de la retraite des personnes hnadicapées que c’est «à la justice de s’organiser comme elle le souhaite» (dépêche AFP du 27 sept 2010). Il nous prend encore une fois pour de parfaits cons : comme si la justice – en l’occurrence le procureur de Nanterre qui est inféodé à ses intérêts et à l’UMP ! – était suffisamment indépendante pour s’orga-niser dans ces affaires selon les règles normales !

Ségolène Royal a donc beau jeu de dénoncer “la résistance” à la nomination d’un juge dans l’affaire Woerth-Bettencourt (dépêche de l’AFP du 28 sept 2010) jugeant cette situation «qui empêche la liberté et l’indépendance de la justice très choquante (…) Il est évident qu’il faut maintenant un juge d’instruction pour qu’il y ait une véritable enquête».

L’on peut considérer comme Karl Laske (Libération du 28 sept 2010) que Courroye est fragilisé et selon les syndicats de magistrats “un peu désavoué” (Flash-Actu du 27 sept 2010) ce qui n’est pas trop méchant ! mais correspond à la réalité puisqu’il peut très bien continuer à mener l’enquête comme bon lui semble.

Bien entendu, aussi bien l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) que le Syndicat de la magistrature (SM, 2e syndicat de la profession, classé à gauche) qui réclament l’ouverture d’une information judiciaire depuis plusieurs semaines ne peuvent que se féliciter de la prise de position de Jean-Louis Nadal, estimant que «cela sonne un peu comme un désaveu» pour le procureur de Nanterre… «C’est quand même un pavé dans la mare de M. Courroye, dont la situation sur le plan du dossier Woerth va devenir de plus en plus intenable» selon Laurent Bedouet, secrétaire général de l’USM :

«Le fait que le plus haut magistrat des parquets de France préconise, au vu des pièces des dossiers qu’il a pu lire, l’ouverture d’une information judiciaire a un poids considérable qui ne peut pas rester lettre morte».

Il semble s’étonner – mais est-il vraiment dupe ? – «Maintenant, il va vraiment falloir que Philippe Courroye nous explique, concrètement, pourquoi il s’obstine à ne pas vouloir un juge d’instruction, alors que c’est le dossier type dans lequel il aurait dû y avoir une information judiciaire ouverte depuis le début»… On connaît bien la réponse – qu’il ne peut donner ! ce serait en effet trop marrant qu’il ose avouer : «Oui, c’est vrai, je suis une petite marionnette et l’on tire les ficelles depuis le Guignol de l’Elysée»


Ceci dit, Philippe Courroye (de transmission) est loin d’être le seul à être complètement discrédité dans cette mascarade. Les vrais coupables sont au sommet de l’Etat : ils ont pour nom Nicolas Sarkozy, Eric Woërth et quelques autres de leurs complices. Et c’est bien ce que retiendront la grande majorité des Français sans doute peu au fait de toutes ces arguties juridiques mais extrêmement sévères à l’égard des turpitudes du pouvoir, de la valse des milliards pour les amis super-friqués du chef de l’Etat au moment même où ils sont tondus comme c’est pas Dieu possible et auxquels l’on promet encore davantage «du sang et des larmes»

Quand tombe comme chaque année – juste après les chiffres des largesses du «bouclier fiscal» - ceux de la pauvreté en France : ils sont encore 8 millions à vivre en-dessous du seuil de pauvreté – 950 euros par mois. J’en fais partie.