Fastes brefs - II - août

Par Villefluctuante

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LE CHAT

Le chat erre insatisfait d’une maison à l’autre, il rampe dans les herbes hautes avec un air lamentable. Qu’on l’approche et c’est un concert de sons déconcertants, cris, sifflements, grondements. Ce n’est pas qu’il ronronne, non, c’est plutôt un grelottement, un claquètement creux de mécanique usée. De chat, il n’a plus que l’enveloppe et quelques gestes ataviques exécutés en automate : cette patte derrière l’oreille, ces étirements, ces quelques modestes bonds, ce n’est déjà plus lui, c’est l’inertie de l’espèce qui se continue en lui. Il attend, voilà, il attend ses maîtres comme un chien, comme une femme de marin, comme une maîtresse délaissée. Il se fout de perdre toute dignité à attendre comme cela, il n’est plus que cette attente, comme ennuyé d’avoir encore cette carcasse de chat à s’occuper, ce destin de chat encombrant et tout à fait inutile dans cette attente.

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REGARDE CE QUE TU RUINES

Sur la lande déserte, dans la forêt maigre, dans mes pensées. Dans la lumière du jour, des constructions fragiles, des architectures changeantes, des ombres, des frémissements. Cette toile d’araignée qui apparaît et disparaît à la cavalcade des nuages, cette sourde angoisse que l’on apprend à aimer, ces battements du cœur. Ces mille fils qui te relient à tout et à tous, et qui apparaissent et disparaissent, qui te tirent et te propulsent. Ces machineries invisibles, ces cathédrales de crainte, ces dragons. Et inexplicablement, dans le blanc du jour si fidèle, dans le rien pourrait-on dire, dans la lumière argentée qui hante les bancs de sable, brusquement le bonheur absolu d’être en vie.

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VILLAGES DE VACANCES

 

Structures à la dérive, châteaux de cartes de murs blancs posés là comme des épaves ou résonnent des rires d’enfants, des ombres de couleurs en polaroïd, ou s’effeuillent d’interminables romans aux pages remplies de sable. Observatoires de couchers de soleil inconnus d’eux-mêmes, volets clos, hologrammes. J’imagine l’hiver, la nuit, les choses sagement rangées qui battent, qui luisent, qui racontent un mystère qui nous dépasse. Et les filets de pêche accrochés au mur, et les mouettes d’émail bleu sur les assiettes, et les bateaux dans leur bouteille.

JPD