Comment se faire épouser (2)

Par Evainlondon

Voilà maintenant près de trois semaines que Prince et moi avons choisi LA bague. Celle qui est livrée avec une longue corde invisible, celle que j’ai hâte de lui passer au cou.

Si vous décelez une touche de mauvaise humeur dans cette phrase, c’est parce que cela fait aussi trois semaines que je rentre à la maison avec l’espoir que ce soir sera LE soir. Celui de la demande en mariage. Celui qui marquera la fin de ma longue, très longue attente.

Trois semaines, donc, que je passe mes journées à rêvasser, fantasmant sur des demandes en mariage toutes plus romanesques les unes que les autres : Prince m’emmènera-t-il pour l’occasion sur les blanches falaises du Sud de l’Angleterre pour une déclaration enflammée, les cheveux au vent ?

Se mettra-t-il à genoux au cours d’un succulent dîner mitonné en collaboration avec Marks & Spencer ? Me kidnappera-t-il pour une escapade dans son royaume de Hongrie ? Ah, lui dire oui sur le Pont des Chaînes, le lieu le plus romantique du monde…

Toute à mes chimères, j’en oublie même mes analyses de compétitivité de salaires, c’est dire. Ma productivité de Superconsultante est en chute libre, et ma concentration semble avoir entièrement disparu. Je ne reprends mes esprits qu’en fin de journée : dans le bus, un grand sourire aux lèvres, je tâche de me représenter la surprise que je trouverai sans nul doute en entrant dans notre appartement. Un lit de roses ? Des bougies partout ? Un Prince souriant mais nu, avec pour tout apparat un panneau « Veux-tu m’épouser ? » stratégiquement placé ? Parcourant les quelques centaines de mètres qui me séparent de chez nous, je me vois consentir, folle de joie, éperdue d’amour.

Puis, le cœur battant, j’ouvre la porte.

Rien. Ni Prince, ni tralala. Seule la vaisselle sale attend mon retour. Comme tous les soirs, l’appartement est vide. Si ça se trouve, il a rendu la bague, le fourbe.

Patiente comme à mon habitude, j’accueille Prince de plus en plus froidement lorsqu’il rentre du travail, mais ne pipe mot. Enfin, un vendredi matin, je reçois un mail de mon concubin me suggérant qu’on se retrouve « en ville ce soir ». Une proposition vague, et faite plus de vingt minutes à l’avance : tout cela est louche au plus au point. Une demande en mariage m’attendrait-elle « en ville ce soir » ?

Quelques heures et un canapé en flammes plus tard, je suis fixée.