La parure et autres nouvelles de Maupassant

Par Liss
Il y a des auteurs devant lesquels on a envie de s'incliner pour leur exprimer notre gratitude, pour leur témoigner notre respect. Respect pour une plume aussi alerte, aussi subtile. Guy de Maupassant. Devant un maître, comment ne pas s'incliner ? Maupassant fut un maître du récit bref. A l'époque, la nouvelle avait toutes les faveurs du public, et pour satisfaire celui-ci, il se transforma en fontaine auprès de laquelle on venait étancher sa soif d'histoires saisissantes et peu consommatrices en temps de lecture. Maupassant nous a laissés plus de trois cents nouvelles, les unes réalistes, les autres fantastiques. Parmi les plus célèbres : Boule de suif et Le Horla, deux textes représentatifs des deux genres et absolument émouvants. De multiples éditions des nouvelles de Maupassant (appelées aussi contes au XIXe siècle) existent à ce jour, et je voudrais vous parler de l'un d'eux en particulier : La parure et autres nouvelles.

C'est un recueil de sept nouvelles qui se déroulent toutes à Paris. Les personnages pourraient être heureux avec ce qu'ils ont, mais cela leur semble insuffisant, le démon du paraître surtout, ainsi que la convoitise, l'envie (les autres leur semble plus heureux qu'eux) les poussent à commettre des actes qui finalement causent leur perte plutôt que leur bonheur. On pourrait être tenté de dire "c'est bien fait pour eux", mais on ne peut pas non plus ne pas compatir et plaindre ces personnages. Ils nous ressemblent tant ! Ils nous rappellent des histoires vécues par des proches. Ces personnages n'ont pas su reconnaître le bonheur qui était à leur portée, c'est en cela que ces récits sont aussi vivants qu'à l'époque où ils furent écrits : au XIXe siècle comme au XXIe, l'amour du luxe, la volonté de paraître dans le beau monde ou de cotoyer des célébrités, les infidélités conjugales, les trahisons... demeurent d'actualité, mais Maupassant insite davantage sur le goût des femmes pour les bijoux, ainsi que la trahison sournoise au sein du couple.


Je ne vais pas vous résumer chacune des nouvelles, pour ne pas gâcher votre plaisir, simplement une petite mise en bouche :
"Est-il un sentiment plus aigu que la curiosité chez la femme ? Oh ! savoir, connaître, toucher ce qu'on a rêvé ! Que ne ferait-elle pas pour cela ? Une femme, quand sa curiosité impatiente est en éveil, commettra toutes les folies, toutes les imprudences, aura toutes les audaces, ne reculera devant rien. Je parle des femmes vraiment femmes, douées de cet esprit à triple fond qui semble, à la surface, raisonnable et froid, mais dont les trois compartiments secrets sont remplis : l'un d'inquiétude féminine toujours agitée ; l'autre, de ruse colorée en bonne foi, de cette ruse de dévots, sophistique et redoutable ; le dernier enfin, de canaillerie charmante, de tromperie exquise, de délicieuse perfidie, de toutes ces perverses qualités qui poussent au suicide les amants imbécilement crédules, mais ravissent les autres." (Incipit de Une aventure parisienne)
De fait, l'héroïne dont il sera question est curieuse de savoir ce que ça fait d'avoir une liaison, elle se dit que les ébats avec un amant doivent être beaucoup plus palpitants que le monotone corps à corps avec son mari. Elle fera tout pour vivre l'expérience... à ses frais.
Ce qui m'émeut davantage avec Maupassant, c'est sa capacité à parler de ses propres expériences, il peint admirablement bien la société, mais il s'observe aussi et sait mettre dans ses textes une part de lui, une dose de la souffrance qu'il peut vivre lui même, en tant qu'être humain. On sait qu'il contracta la syphilis, une maladie sexuellement transmissible qui a notamment pour conséquence de provoquer des hallucinations. Il sombrera dans la folie et s'éteindra prématurément à 43 ans, dans un asile. Plusieurs nouvelles de Maupassant abordent le sujet et nous montrent des personnages que la société ne juge pas saints d'esprit, mais qui gagnent la sympathie du lecteur. Lisez par exemple La Chevelure, quel talent ! quel conteur, Maupassant ! Chapeau.
Guy de Maupassant (1850-1893), auteur de six romans (J'ai lu plusieurs fois Pierre et Jean durant ma jeunesse, si tant est que je suis devenue vieille) et de plus de trois cents nouvelles.
Le recueil La parure et autres nouvelles comporte les titres suivants : - La Parure- Une aventure parisienne- A cheval- Les Bijoux- Le Père- La Dot- Le rendez-vous