[Critique Blu-ray] 1942 : Christophe Colomb

Par Gicquel

Depardieu est un grand acteur qui de Cyrano de Bergerac à «  Mammuth » (dans ce blog) a su donner toute l’étendue de sa  palette émotive. Et je crois que l’un de ses plus grands rôles demeure ce Christophe Colomb que j’ai revu avec un immense plaisir, même si je n’ai pas forcément retrouvé l’intensité de la première projection en 1992 (il n’a pourtant pas vieilli), à l’occasion des fêtes de commémoration  de la découverte de l’Amérique.

Depardieu est le personnage à part entière, parfaitement analysé  par la caméra d’un Ridley Scott, qui  épouse la forme du récit pour donner à sa mise en scène un crescendo à la fois épique et historique.

Les premières séquences relativement classiques, posent les règles du projet de l’aventurier, qui doit le défendre  bec et ongles devant des communautés de scientifiques, goguenardes.

C’est un humble marin qui rêve plus d’immensité que de gloire, de découvertes que de richesse. On est dans le vif du sujet et pourtant celui-ci n’est véritablement abordé, que parcimonieusement, au fil du récit pour lequel Scott s’enflamme au fur et à mesure que Colomb progresse vers la «  terra incognita ».Alain Goldman qui a produit le film (voir bonus) dit avec justesse que le réalisateur l’a abordé comme «  un film de SF, comme la découverte de la lune ».

Et une fois celle-ci foulée, c’est effectivement l’explosion d’un cinéma qui joue à la fois du sérieux d’un scénario parfaitement documenté, et de la fulgurance de la mise en scène dont Scott  a le secret. Il suffit de voir son «  Robin des bois » (dans ce blog) qui vient de sortir en dvd, pour se dire qu’il avait la main heureuse depuis belle lurette.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un tantinet cérébral sur la côte Espagnole, le voici filmant à l’instinct la nouvelle cité et ses hommes tout aussi nouveaux. Il y a des actions fulgurantes, qui sont peut-être celles que j’ai le moins prisées. Un peu trop d’effets spéciaux, de raccords esthétiques ou bidouillages numériques, je ne sais pas.

Au final cependant et avec le recul du temps, son œuvre s’inscrit dans les grandes légendes  cinématographiques, à la façon  de «  Aguirre, la colère des dieux » de Werner Herzog, et «  Apocalypse now » de Coppola. Avec au cœur de son intrigue, l’âme noire indispensable à tout bon mythe, pour entraver la bonne marche édictée par le héros. Ici elle est incarnée de façon magistrale par Michael Wincott , encore plus fourbe que son regard démoniaque.

Là encore, Scott et son équipe ont su choisir des comédiens ad-hoc et l’ensemble du casting mérite l’accessit. Avec cerise sur le gâteau  les partitions de Vangelis qui épousent parfaitement les images. A la manière  des «  Chariots de Feu », sa musique a su par la suite s’imposer comme une entité à part entière.

LE SUPPLEMENT

C’est toute l’histoire du film, racontée par son producteur Alain Goldman, et surtout sa scénariste Roselyne Bosch , qui à l’époque ne connaissait rien au cinéma. Après un voyage en Andalousie, cette journaliste à l’Express, décide de réaliser ce dont elle rêve depuis longtemps : écrire un scénario. Son sujet elle vient de le trouver : Christophe Colomb. « Tous les lieux qu’il a fréquentés sont encore là » dit-elle à l’époque «  il ne reste qu’à poser la caméra ».  Roselyne Bosch ne connaît rien au cinéma et elle le reconnaît bien volontiers. Passée depuis derrière la caméra, on lui doit récemment «  La rafle » (dans ce blog)

A 27 ans  Alain Goldman, est de la même trempe. Il n’a encore produit aucun film et «  quand nous frappons aux portes à Los Angeles, c’est bien sur  le nom de Christophe Colomb que l’on consent à nous recevoir ». De démarche en démarche, Ridley Scott se dit intéressé par le sujet, surtout qu’on le lui présente comme totalement indépendant des studios hollywoodiens. Pour la première fois de sa vie, après huit films, il allait enfin réaliser ce dont il avait envie.

Godlman et Bosch font alors l’apprentissage de la production et de ses contraintes. Ils se heurtent à un projet concurrent, sont accusés de plagiat par le grand producteur de l’époque Alexander Salkind,  (son heure de gloire fut «  Superman ») qui en réalité n’a aucun scénario à leur opposer. Si bien qu’il est prêt à acheter celui des deux français pour un million de dollars, une véritable fortune.

« Pour le choix des acteurs, Ridley a très vite pensé à Gérard Depardieu, mais pour la reine, c’était Anjelica Huston, qui avait signé ». Seulement voilà, six semaines avant le début du tournage, elle tombe amoureuse et préfère batifoler sous d’autres cieux. Pas de souci Sigourney Weaver , qui la remplace au pied levé, est une très belle reine Isabel.

On apprend aussi que le tournage fut parfois périlleux « à cause des serpents qui dégringolaient brutalement des arbres » se souvient Roselyne Bosch. Aucun document vidéo n’est ici proposé, et c’est dommage. Rien que des photos, mais bon, on ne va pas refaire l’Amérique.