Le chou fait du rock, les carottes du swing et les haricots du jazz

Publié le 27 septembre 2010 par Europeanculturalnews

Le Vegetable Orchestra et ses instruments(c) Luka


Si vous avez du mal à le croire, assistez à un concert du « Vienna Vegetable Orchestra ». En français : « l’orchestre de légumes de Vienne ». Le 26 septembre, dans le cadre du Festival Musica à Strasbourg, beaucoup l’ont fait ! Avec son instrumentaire étonnant, l’ensemble autrichien à joué à guichets fermés. Les 14 membres de la formation fondée en 1998 font des tournées à travers le monde en compagnie de leurs cagettes de légumes. Plus précisément, les cagettes restent chez eux à Vienne, car les « légumes concertants » doivent être de toute première fraîcheur, comme en cuisine. Donc, on fait le marché là où on joue : des carottes et des aubergines, des potirons et des choux, des poivrons et des radis. Adroitement creusés, assemblés, pourvus de trous et taillés, les végétaux se muent en instruments de musique d’un autre temps.

Sur eux et avec eux on couine, on siffle, on gargarise, on stridule, on flûte, on tambourine, on aboie, on glougloute, on gargouille et on cliquète autant que les légumes tiennent le choc. Dès le premier morceau, on a l’impression d’être au beau milieu d’un potager vivant, peuplé de trolls de concombre et d’elfes de carotte. Dès les premières secondes, un monde fascinant de sons inconnus, renforcés par des moyens électroniques s’ouvre au public. D’un seul coup d’un seul, une chose est claire : De la musique se cache dans tout ce qui pousse dans un jardin.

Aujourd’hui, on ne sait plus très exactement qui a eu en premier l’idée de cet orchestre. Sur sa page internet, le collectif d’artistes souligne que tous ses membres participent à parts égales à l’ensemble des processus artistiques. Ils viennent tous d’horizons professionnels différents. Un artiste plasticien, un philosophe et tant d’autres métiers se retrouvent dans cet ensemble. Personne parmi les membres n’a suivi de formation musicale classique. D’autant plus étonnant est cette performance : son sérieux et son résultat.

Le concombrophone (c) Anna Stöcher

Cette soirée est portée en grande partie par ses sensations rythmiques, suivies par les sons surprenants qu’on arrive à extirper aux carottes ou aux radis. Que de grands potirons aient des « aptitudes » pour devenir tambours, ne surprend personne. Que l’on puisse fabriquer une flûte qui tient la comparaison avec n’importe quelle cornemuse à partir d’une carotte, d’un concombre ou d’un poivron, étonne davantage.

Toute essoufflée, représentant ses collègues hommes et femmes, Susanne Gartmayr explique : « Au début de notre collaboration, nous avions l’idée de jouer des mélodies connues avec nos instruments de légumes, comme par exemple la « Marche de Radetzky ». C’était aussi le contenu de notre premier CD. Pour le deuxième album, nous avons essayé de voir ce qu’il était possible de faire en ajoutant des moyens électroniques. Sur le troisième, en plus de quelques-unes de nos propres compositions, on trouve une nouvelle interprétation d’une œuvre du groupe « Kraftwerk ».
Le CD « Onionoise » sorti il y a quelques jours seulement, montre clairement ce que le Vegetable Orchestra cherche à obtenir : créer des sensations sensorielles à l’aide de ces instruments inhabituels.

« Où que l’on joue dans le monde, les gens ont la même curiosité. Ils viennent pour voir comment on réussit à faire de la musique avec des légumes. Une fois assis dans la salle, ils découvrent un monde rempli de sons nouveaux. » La réponse à ma question si le groupe s’entend comme une sorte d’intermédiaire dont la mission consiste à ouvrir des oreilles pour des musiques nouvelles, est immédiate : « Bien sur ! Et si on y arrive, nous sommes bien entendu ravis, car c’est l’un de nos objectifs. »

La pluie et le vent, le bourdonnement et le bruissement, des bateaux qui passent et le son fugace d’une sirène d’un véhicule d’intervention : il est possible de faire sortir tous ses sons des légumes.
L’annonce que Stravinski ait pu faire office de parrain pour l’une des œuvres a rencontré un étonnement incrédule parmi les auditrices et auditeurs. Quand peu de temps après, le « Sacre du Printemps » a été transformé en « Massacre du Printemps » pendant lequel les morceaux de carottes et de concombres volaient dans tous les sens à travers la scène, le jeu de mots n’avait plus besoin d’explication. Il est évident que derrière tout cela se cache une bonne dose de musicalité, une grande envie de faire des découvertes et un esprit ingénieux.

Mais la préoccupation principale du public n’était pas là du tout ! L’essentiel c’était que la soupe de légumes, distribuée avant que tout le monde ne rentre chez soi, soit bonne !

Un conseil CD :

Onionoise, The Vegetable orchestra,
Paru sous le label : transacoustic research/monkey
Disponible : http://transacoustic-research.com/catalogue.php#oni
www.vegetableorchestra.org

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker.