21 mois

Publié le 28 septembre 2010 par Ladyblogue

Début d'après-midi sur la voie express.
Je file en rendez-vous. Vers la mer, vers le Cap. Une cliente sympa pour un projet sympa.
Je suis bien.
J'ai prévu les CD. Un de -M- et un de Vanessa.
J'allume la radio. Les infos. J'écoute, on mettra la sic après.
J'écoute.

Et là.

"Un homme de 30 ans, soupçonné d'avoir violé la fillette de sa compagne âgée de 21 mois, a été écroué à la maison d'arrêt de Chartres.
L'homme a été mis en examen et placé en détention provisoire pour viol aggravé sur victime de moins de 15 ans, avec la circonstance aggravante d'avoir autorité sur la petite fille.
Le suspect vivait en couple depuis deux mois avec la mère de la fillette domiciliée à Dreux. C'est elle qui a porté plainte après avoir surpris son compagnon auprès de l'enfant, en pleine nuit, avec un comportement intrigant. La fillette a été amenée à l’hôpital où elle a été opérée."

Et là, j'ai la nausée, cette nausée qui vous attrape et vous inonde la bouche de salive en moins de deux secondes. Je ne vois plus rien, ni la route, ni les voitures, ni les arbres, ni le ciel. Je n'ai devant mes yeux que cette enfant de 21 mois. Ca fait grand comment déjà 21 mois ? Presque 2 ans. Et là, j'imagine. J'imagine la gamine, à la crèche, dans la rue, dans sa chambre, en train de jouer, dormir, manger, courir, sauter. Vivre.
J'essaie de me dire que merde, encore une histoire comme d'autres. Mais impossible de banaliser l'écoeurement. Impossible d'écouter ça et d'embrayer sur l'info suivante, le résultat d'un match, le chiffre du jour ou la météo de demain.
"La fillette a été amenée à l’hôpital où elle a été opérée".
L'envie de vomir me fait surveiller les endroits où je pourrais m'arrêter deux minutes. J'ai la gorge rayée, le ventre éraflée, les muscles étranglés.
Presque 45 minutes de bagnole à avoir la nausée au bord des lèvres. Incapable de me défaire de ces images, de ce fait divers raconté en 15 secondes à la radio.
15 secondes. 45 minutes. 21 mois. Des années.

Je suis arrivée. Je me gare sur le parking. La cliente m'attend à l'intérieur. J'attrape mes dossiers, éteins la radio et sors de la voiture laissant l'image de cette fillette, enfermée dans la carcasse encore chaude.