La mort de Jean Cussat-Blanc

Par Florence Trocmé

Jean Cussat-Blanc est décédé à la suite d'un infarctus le 31 décembre 2007 à l'âge de 94 ans. Voici la biographie que faisait de lui Anne Sophie Mignédans  son mémoire Résurrection 1941-1992.
« Jean Cussat-Blanc est né en 1913 à Guéret (Creuse), d'un père instituteur libre, organiste et compositeur, et d'une mère catholique et traditionaliste. Il passe son enfance à Riom (Puy de Dôme) auprès d'une grand-mère qu'il vénérera.

En 1925 (son père étant depuis 1924 directeur de l'école libre de Monfort-du-Gers), il entre au Collège Salinis puis au petit séminaire d'Auch, qui lui est jumelé. En 1930 il passe au grand séminaire, qu'il quitte pour un an d'études de Mathématiques Générales à l'Institut Catholique de Toulouse. Ordonné prêtre en 1938, il est nommé professeur au Collège Saint-Taurin d'Eauze. L'expérience de la communauté, et de la vie sacerdotale telles qu'il les découvre, et des relations conflictuelles avec son archevêque, - qui lui dénie le droit d'écrire dans la presse et les revues, et d'éditer - , lui donnent à comprendre qu'il a commis une erreur en entrant dans le clergé. En 1939, il est mobilisé en Tunisie et va rejoindre avec son régiment les zouaves du Camps Servière en tant qu'infirmier-aumônier. C'est en 1941, après avoir repris son poste de professeur au collège de Saint Taurin, mais aussi ses relations à l'Institut catholique de Toulouse, qu'il décide de fonder une revue de poésie qu'il nomme Résurrection dans une double perspective, de foi en une poésie d'un art chrétien et de confrontation à la guerre. La réprobation de l'archevêque d'Auch demeure et s'étend bientôt aux activités de résistance de Jean Cussat- Blanc. La rencontre d'Odile Lacave le déterminera à demander sa réduction à l'état laïc, que grâce à, des amis religieux et à l'évêque des Forces armées d'occupation, il obtiendra.
L'expérience poétique de Jean Cussat-Blanc est antérieure à ces événements ; en effet celui-ci avait déjà édité deux petits recueils, Jeune Offrande (1938) et Démences (1940), et collaboré à diverses revues sous le pseudonyme de Jean de Samblac, alliant cette particule de noblesse au projet d'une chevalerie de poésie. C'est ainsi qu'il participe notamment aux Cahiers de Corymbe dirigés par Mme D'Hue Dressler, à l'Effort Clartéiste d'Albert de Teneuille, à Mâtines qui regroupe des "témoignages catholiques de poésie et d'art" et fut fondée en 1936 par le Père François Ducaud-Bourget. Ces trois revues sont de facture traditionaliste. Il publie également quelques articles dans La Croix. »

Résurrection
La revue Résurrection naît en 1941 d'un refus d'abdiquer devant les tourmentes de l'histoire. Revue à teneur spirituelle, elle ne s'en tient pas à cette seule dimension et se donne pour but de découvrir de nouveaux talents d'écriture et de "témoigner de l'homme, de sa valeur, de sa dignité individuelle et collective". Elle dénonce dans la France occupée de 1943, sur la couverture d'Attentes de l'Homme, la déportation et l'élimination des juifs. Après D'une prison, son directeur Jean Cussat-Blanc, recherché, échappe à la milice, rejoint le maquis d'Armagnac puis s'engage dans l'Armée de Libération. Entre 1941 et 1945, Résurrection publie 26 cahiers et divers recueils. On y trouve les noms de Françoise d'Eaubonne, Alain Borne, Luc Estang, Lanza del Vasto, Loys Masson, le Père de Lubac. Collaborations aussi de René Guy Cadou, René Nelli
La revue entre en sommeil après la guerre et n'est publiée que de façon épisodique mais renaît en 1977 sous l'impulsion de son fondateur. Le journal Le Monde la salue en ces termes : "Le modèle de la petite revue". Elle affirme avec force sa culture humaniste sans rien renier de la foi chrétienne qui a présidé à sa fondation. Fidèle à l'idéal de ses débuts, elle s'ouvre aux jeunes talents, soucieuse d'une poésie au service de l'homme et du devenir de l'homme. Cet engagement militant, libre de tout intérêt et de toute idéologie a permis l'expression d'une palette d'auteurs, pour une bonne part des jeunes générations, qui ont trouvé auprès de Jean Cussat-Blanc un accueil enthousiaste et généreux. Si l'homme avait des convictions affirmées, il est resté ouvert à tous les horizons de la poésie jusqu'à imaginer la plus belle des utopies, l'"Union mondiale des poètes", sans trouver beaucoup d'échos à son projet. La plus belle de ses rencontres se fera dans les années 1970 avec Thierry Metz qui n'avait pas publié avant de rencontrer Jean Cussat-Blanc. Il sera le premier à l'encourager à poursuivre son œuvre, à lui permettre d'être reconnu par ses pairs et le monde de l'édition.

À ce jour Résu, sans cesse enrichie de nouvelles voix, a publié plus de 119 numéros (4 numéros par an) et plus de 250 poètes de tendances diverses.
Elle a fait l'objet en 1992 d'une recherche universitaire de Anne Sophie Migné, Résurrection 1941-1992.
La disparition de son fondateur signifie-t-elle sa disparition ? On peut souhaiter qu'elle lui survive, poursuivant l'œuvre d'humaniste et de découvreur qui fut la sienne avec une foi déterminée.

Bibliographie :
Jeune offrande (Cahiers du Touvère, 1938)
Démences (Feuillets de l'Ilôt, 1940)
Offert à Dieu (Didier, 1946)
La vie de Marie de Rainer Maria Rilke (Traduction, préface et notes - Typographie Boin, 1949)
Amours, recueil anonyme (L'amitié par le livre, 1955)
Offert aux hommes (L'amitié par le livre, 1963)
Avec les jours avec les hommes (Oswald, 1974)
Noël de la faim (Résurrection, 1979)
Ode aux Rosenberg (Résurrection)
Sur notre soir paisible (Résurrection, 1982)
Aux Christ de Rib (Atelier du 4ème jour, 1988)
Langage (Résurrection, 1989)
Symphonies (Résurrection, 1991)
Prométhée libéré (Résurrection, 1991)
Si vous saviez aimer. La fable de l'Enfant-Roi et de l'Enfant-Poète (Librairie bleue, 1992)
Vasque ou le poème d'un simple amour (La Bartavelle, 1995)
Instants d'ici et de l'ailleurs (La Bartavelle, 1999)

Une contribution de Pierre Kobel