VENISE, un belvedère en bois...

Publié le 07 octobre 2010 par Venetiamicio

©Catherine Hédouin
©Catherine Hédouin

©Catherine Hédouin


... La chambre donne sur une loggia. En bas je distingue un étroit jardin où coule une fontaine. J'écoute son doux bruit et il me semble qu'il me répète tout bas ces mots magiques : Tu es à Venise, tu es à Venise.... Je n'ai pas envie de dormir. Où peut bien conduire le petit escalier dont j'ai aperçu sur le palier, en entrant dans ma chambre, les premières marches ? Sans doute à quelque grenier ? Essayons. Il s'arrête à une porte qui n'est fermée que par un loquet. Je l'ouvre et je me trouve en plein air sur une plate-forme en bois entourée d'une rampe à hauteur d'appui. Cette terrasse, ce belvédère est posé sur le toit du Palais. De là je domine ses vieilles tuiles en pente et je voisine avec ses hautes cheminées dont l'une s'achève en forme de dé et dont l'autre se termine en entonnoir. Que vois-je encore ? un coin luisant du Grand Canal, le dôme arrondi d'une église, puis d'autres toits, d'autres cheminées, tout cela baigné dans la clarté d'une lune éblouissante, enveloppé d'un silence profond où je perçois cependant, lointain et comme sourdement rythmé, un mumure qui est une présence et que je saurai plus tard être le mumure de la mer montante sur les plages du Lido; mais, ce soir, ce murmure n'est pour moi que la respiration de la magicienne endormie et le vivant soupir de sa beauté. Ce soir, je ne sais qu'une chose, en cette belle nuit de septembre de l'année 1899, c'est que ce silence, ce clair de lune, ce palais, cette terrasse aérienne que je n'appelle pas encore une altana, tout cela, c'est Venise et que je suis heureux...[Henri de Régnier, sur l'altana, l'Altana ou la vie vénitienne ]