Last Exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr.

Par Sylvie

ETATS-UNIS, 1964

 

Ce titre appartient désormais à la littérature mythique de l'Amérique des années 60. Premier roman de l'écrivain maudit Selby, c'est un portrait sans espoir des âmes des bas-fonds qui cherchent une issue de secours -une "exit" - à leur vie sordide ; ces exit sont le sexe et  la drogue dans les quartiers pauvres de Brooklyn entre les docks, une usine et la base militaire.

Junkies, jeunes délinquants sans emploi et transsexuels se retrouvent dans les bars miteux, au son du juke-box.

Pour eux, la violence et l'exubérance sexuelle sont un moyen d'exister.

Dans ces six nouvelles, l'auteur met l'accent à chaque fois sur un personnage, à la fois ange et démon ; le lecteur se prend de pitié pour ces anges déchus qui, dans un décor sordide, trouvent pour un soir ou une semaine le chemin de la rédemption...puis c'est la chute finale.

Il y a Tralala, une putain qui recherche l'affection et qui finit massacrée dans une tournante. Georgette, le travelo au grand coeur, qui chante des poèmes d'amour à son amoureux, en vain...

L'histoire la plus longue, celle de Harry (La Grève) est sans doute la plus poignante : ce dernier tabasse sa femme et a des hallucinations lorsqu'il couche avec elle. Leader syndicaliste, il déclenche une grève pour prouver que c'est un homme, un vrai. Au bar d'en face, il tombe amoureux d'un homme et assume son homosexualité. Mais seulement pour un temps. Il finira crucifié par la bande de délinquants du bar miteux.

Le style d'écriture est très direct, insérant directement dans la narration les dialogues des personnages. On appréciera le style "graphique" de Selby où les engueulades abjectes des couples sont rendues dans un flux verbal célinien avec des phrases écrites en majuscules.

On découvre des personnages ambivalents envers qui le lecteur oscille entre abjection et pitié.

Cependant, j'ai préféré, de loin, le chef d'oeuvre Le démon, où l'on suit le quotidien, de l'intérieur, d'un cadre d'entreprise détraqué sexuel. Le style est encore plus syncopé et on s'identife vraiment au personnage.