Dahlia (J.J. Grandville)

Par Arbrealettres


Dahlia

Vous voyez en moi, une ex-bouquetière.
Lier des fleurs entre elles,
les vendre à des gens qui marchandaient toujours,
les faire porter à leur adresse,
voilà quelles étaient mes occupations.

Je sais que les hommes ont fait beaucoup de poésie
à propos des bouquetières.
J’ai lu des nouvelles, des romans
où elles jouent un rôle charmant.
Elles favorisent les amours sincères,
elles font échouer les fats,
elles sont au courant de toutes les intrigues.

Hélas! que ces fictions sont loin de la réalité!
Je ne connais pas d’industrie plus triste,
plus remplie de désillusions,
pour me servir d’un mot maintenant fort à la mode sur la terre.
Lasse de voir les femmes recevoir des bouquets de toutes les mains,
et les hommes les plus amoureux descendre des hauteurs de la passion
pour rogner ma note de quelques centimes;
fatiguée d’être poursuivie par de vieux célibataires,
qui m’appelaient prêtresse de Flore
en essayant de me prendre la taille,
j’ai pris le parti de fuir les hommes
et de revenir à mon ancienne condition de simple fleur.

(J.J. Grandville)