[Film] Atonement, James & Moi

Publié le 03 janvier 2008 par Melimelo

James et moi, cela remonte à quelques années déjà.
Notre rencontre a eu lieu dans un thriller politique magistral, une mini-série (ceux qui me connaissent vous diront qu'avec moi, tout ne peut commencer qu'avec une série) intitulée State of Play. A l'époque, le jeune journaliste free-lance ambitieux, fils du rédacteur en chef, avait déjà capté mon attention dans ses (trop courtes) scènes. D'ailleurs, à ce sujet, une très bonne surprise de la part d'Arte, qui diffuse Jeux de pouvoir à partir de samedi prochain (le 5 janvier) à 22h30. Si vous n'avez pas déjà vu cette mini-série excellente et prenante, comportant six épisodes, à l'affiche de laquelle vous retrouverez notamment, outre James McAvoy, John Simm, David Morrissey et Bill Nighy, je vous la conseille chaudement. A vos magnétoscopes samedi soir, vous ne le regretterez pas !
Dans les années qui suivirent, nos routes continuèrent de se croiser. Dans la série Shameless, puis dans Les Enfants de Dune...

L'année dernière, ce fut le très marquant Le dernier roi d'Ecosse.

Logiquement, Atonement et les critiques plutôt bonnes que j'avais pu lire avaient donc éveillé en moi un certain intérêt. Pourtant, je suis la première à reconnaître n'être pas une grande fan des romances, romantiques ou impossibles, transposées sur grand écran. De plus, j'ai la larme facile et ne recherche pas particulièrement les drames. Certes, il s'agit d'un film de Joe Wright, qui n'est pas un inconnu, même pour une néophyte telle que moi. J'avais regardé en son temps sa version de Pride & Prejudice. Mais j'avoue qu'à l'époque également, c'était le casting qui avait constitué la principale explication de mon intérêt pour ce film (en l'occurence Matthew McFadyen).

Début 2008. Nous voici quasiment au même point. Je suis incorrigible.

Enfin, reste que, globalement, je fais rarement la démarche d'aller jusqu'au cinéma, attendant un éventuel passage télévisé en prime-time sur le hertzien. Mais, voilà qu'une bonne âme, une amie cinéphile ne désespérant pas de sauver les derniers pans des ruines de ma culture cinéma, m'a confié hier Atonement. En version originale. Elle sait bien que l'accent british ne me laisse jamais indifférente et que ce sera une motivation supplémentaire pour visionner le film.

James, la V.O. et de bonnes critiques d'ensemble, voilà donc comment je me suis retrouvée installé sous ma couette (n'allez pas croire que je passe mon temps à dormir, simplement mon chauffage électrique semble lui aussi parti en vacances actuellement et a toutes les peines du monde à maintenir une température tempérée dans mon studio), un paquet de kleenex à portée de main (deuxième raison pour laquelle je ne vais jamais voir de drame au cinéma) pour deux heures d'une immersion dans l'Angleterre des années 30, puis avec la Seconde Guerre Mondiale en toile de fond.

ATONEMENT (Reviens-moi en VF)

Synopsis : Insouciante à l'abri dans sa gigantesque demeure victorienne. La jeune Briony a trouvé sa vocation, elle sera romancière. Mais quand du haut de ses treize ans, elle surprend sa soeur aînée Cecilia dans les bras de Robbie, fils de domestique, sa réaction naïve face aux désirs des adultes va provoquer une tragédie et marquer à jamais le destin du jeune homme.
Sortie française : 9 janvier 2008.

Je n'avais jamais lu le livre, mais je connaissais l'histoire dans ses grandes lignes. Par conséquent, si je ne vais pas être pas en mesure d'évaluer la qualité de l'adaptation cinématographique, c'est en revanche sans une hésitation que je salue ce magnifique film. Magnifique et bouleversant, c'est une réussite marquante, à plusieurs niveaux.

Il faut tout d'abord applaudir l'esthétique d'ensemble des décors et de la réalisation. Chaque plan apparaît travaillé et perfectionné. L'immersion dans la vie de cette grande maison victorienne de 1935, petit palace aux moeurs d'un autre temps, est une retranscription minutieuse de l'époque, riche en détails. C'est une ambiance poétiquement kitsh qui s'en dégage. Une reconstitution dépaysant qui suit le classique des grandes productions britannique du genre. Pourtant, ce style imprègne l'ensemble du film. En effet, dans un autre registre, les scènes de reconstitution de la Seconde Guerre Mondiale sont profondément marquantes. Dans un long plan de balayage d'une plage où l'armée anglaise attend l'évacuation en juin 1940, le réalisateur parvient à dégager, du chaos apocalyptique quasi-indescriptible qui y règne, une étrange poésie fascinante et tragique, image paradoxale en écho au film lui-même.
L'histoire en elle-même peut se découper en plusieurs actes. Il y a l'innocence et l'éclosion des sentiments lors de cet été caniculaire de 1935. Le voile d'une tragédie inéluctable pèse sur cet enchaînement d'actes dont on sait qu'ils vont conduire à une tragédie. L'innocence de plusieurs scènes qui vont conditionner le futur -ou plutôt l'absence de futur- est particulièrement exacerbée à l'écran, notamment celle de la fontaine qui nous est racontée d'abord à travers les yeux de Briony, derrière sa fenêtre, puis de la perspective directe des protagonistes. Le spectateur anticipe malgré lui le drame en préparation, ce qui crée un contraste intéressant et impose une distance avec le récit des évènements.

Puis, l'accusation de Briony va clôturer ce premier acte. Puisqu'ensuite le film s'attache surtout aux conséquences. Il nous plonge dans une Angleterre qui n'a plus la féerie de la maison de grand bourgeois du début du film. En toile de fond, c'est désormais la guerre, parallèle métaphorique avec la perte d'innocence des protagonistes. On suit Briony, en plein doute qui veut se racheter. Le récit se détache à nouveau de la réalité, mais sur un autre plan. C'est à travers l'écriture que Briony espère atteindre le pardon. Les faits rendus impossibles par la dure réalité se réécrivent sous sa plume.

Finalement, en forme de conclusion, le dernier acte consacre le mélange entre la fiction de l'écriture et la tragédie de la réalité pour apporter la dernière touche à ce drame. La publication du livre autobiographique est la dernière action d'une Briony âgée, mourante, qui cherche toujours la repentance de cet acte d'adolescente, qu'elle est la seule à avoir encore en mémoire, dernier témoin dont l'effort de mémoire, en apportant cette histoire à ces lecteurs, permet de rappeler l'existence de cette tragédie passée, redonnant en quelque sorte vie à des protagonistes disparus depuis longtemps.

Atonement n'est pas une simple histoire d'amour tragique. Le film soulève d'autres thématiques plus profondes. Il s'interroge sur la définition de la vérité, en présentant une réalité fluctuante, au gré des perspectives, des flash-backs et du temps qui s'écoule. La mémoire trahit, elle oublie, mais elle enjolive également. Cette histoire est une constante interrogation sur la retranscription d'une réalité. De l'accusation fatale de Briony jusqu'à ce bonheur fictif qu'elle met en scène pour offrir à Cecilia et Robbie, dans les embellissements de son roman ce que la vie leur a refusée, la complexité des multiples facettes d'une réalité est explorée. Le livre, en réécrivant justement l'histoire, constitue la pierre finale au processus d'expiation de Briony.
En effet, la recherche du pardon est au centre de la seconde partie du film. Briony ayant pris conscience de ce dont elle est l'auteur, elle cherche à arranger les choses d'une façon ou d'une autre, désespérément en quête de repentance. L'entrée en guerre de l'Angleterre lui offre un moyen, celui de servir en devenant infirmière. Mais aider son prochain est une voie biaisée. Car le pardon dont elle a elle-même besoin, elle ne pourra l'obtenir ni de Cecilia, ni de Robbie. Ainsi,  c'est par le biais de l'écriture, en refaisant vivre ces protagonistes, qu'elle peut leur adresser à travers la fiction l'amende qu'elle n'a jamais faite directement. C'est en réécrivant l'histoire, en ne leur déniant pas ce dont la réalité les a privés, qu'elle peut achever son lent cheminement vers l'expiation. Faisant sortir de l'oubli ces personnages de tragédie, elle met en oeuvre un effort de mémoire qui leur confère une postérité romancée. Action futile peut-être, mais la seule action qui reste à Briony. Et c'est dans cet arrangement dans la fiction d'une vérité trop dure, dans cette retranscription encore une fois biaisée de la réalité, que se trouve le centre du film. Plus qu'une tragique histoire d'amour et de vies brisées par de fausses accusations, c'est ce rapport à la réalité qui constitue la force du film et qui lui donne sa réelle dimension.

Mon bémol principal se trouverait peut-être dans la psychologie des personnages, dont j'aurais aimé qu'elle eut été plus posée, ou explicitée, notamment pour -surtout adolescente- Briony qui m'a semblé manqué de consistance.
En revanche, les acteurs offrent de solides performances dans des rôles dans lesquels, à l'évidence, ils excellent. Keira Knightley s'épanouit dans le premier acte, où elle est particulièrement lumineuse. James McAvoy est parfait dans cette spirale de la perte de l'innocence où son personnage est projeté, retranscrivant avec force l'évolution de l'étudiant affable jusqu'au soldat brisé. Trois actrices se succèdent pour incarner Briony aux divers stades de sa vie. Je pense que l'adolescente est celle qui a eu l'occasion de se montrer la plus convaincante.



Bilan : En dépit de quelques longueurs, surtout dans la la première partie, je me suis laissée emporter et submerger par la force d'ensemble du film. Esthétiquement magnifique, ce film n'est pas seulement une tragédie amoureuse. Il constitue une interrogation amère et bouleversante sur la réalité, mais est aussi une mise en scène complexe du processus d'expiation et de la quête d'un pardon impossible.
C'est une belle histoire tragique devant laquelle j'ai fini en larmes (me rappelant pourquoi je n'étais vraiment pas faite pour ces drames magnifiques, certes, mais éprouvants).
Même si je suis un peu profane dans ce type de fiction, Atonement qui est un pur produit de la fiction britannique, d'un classicisme parfaitement assumé et revendiqué, dans ses décors et ses dialogues, m'a plus convaincu que le précédent film de Joe Wright que j'avais eu l'occasion de voir (Pride & Prejudice).


Pour un aperçu, voici la bande-annonce du film :