Sarkozy et la peur du "Jeune"

Publié le 12 octobre 2010 par Juan
Nicolas Sarkozy est paraît-il inquiet. «  Il sait que tout peut péter » murmure-t-on au gouvernement. Alors que son gouvernement fait face à une nouvelle semaine d'action sociale et revendicative, Sarkozy craint que la jeunesse ne s'emballe et que les grèves ne se radicalisent. Pourtant, il est sourd aux attentes, et certains de ses ministres semblent davantage préoccupés par leur survie au gouvernement que l'impopularité ambiante.
Les sourds
Ce mardi 12 octobre est la quatrième journée sociale contre la réforme des retraites depuis la rentrée. De nombreux appels à la grève reconductible ont été lancés, pour la première fois depuis longtemps. A en croire les sondages (et même ceux publiés par le Figaro), le mouvement est populaire. L'appel à supprimer le bouclier fiscal... et l'ISF n'a pas dû jouer en faveur de la cause gouvernementale.
Depuis jeudi dernier, Sarkozy et Woerth ont accéléré l'adoption de la réforme, en faisant voter plus tôt que prévu, dès vendredi soir, par le Sénat, les dispositions reculant de deux ans l'âge minimal de départ à la retraite, un « moment d'émotion » a commenté Eric Woerth. « Les foyers de fièvre inquiètent l'exécutif » titraient les Echos lundi. Le même jour, le ministre du Travail défendait la dernière concession de Nicolas Sarkozy, la limitation aux mères de famille de 3 enfants, nées entre 1951 et 1955, du maintien de l'âge de 65 ans pour la retraite sans décote: « Quand vous regardez les statistiques, vous voyez très bien qu'à 1 enfant, à 2 enfants, la majorité des femmes continuent à travailler (...). On a voulu répondre à cette question très précise: quelles sont en réalité les femmes qui n'ont pas suffisamment de trimestres par rapport aux hommes? C'est bien les femmes nées dans ces années, entre 1951 et 1955 parce qu'elles ne bénéficiaient pas à l'époque des systèmes de solidarité dont bénéficient les femmes qui sont nées après 1955. »
Pour le reste, Eric Woerth, comme Nicolas Sarkozy, renvoie sur l'inégalité salariale. C'est un raisonnement un peu court, comme le rappelait la Halde le 22 septembre dernier. Pour corriger les inégalités de retraites entre hommes et femmes, cette autorité proposait plusieurs mesures : permettre de cotiser sur la base d’un temps complet avec participation de l’employeur pour les personnes à temps partiel, prendre en compte les 100 meilleurs trimestres (au lieu des 25 meilleures années), ouvrir la pension de réversion au partenaire pacsé survivant et non seulement marié, et, enfin, maintenir à 65 ans de l’âge de départ à la retraite à taux plein pour les personnes ayant pris un congé parental ou pour soins apportés à un enfant ou un parent malade. Nicolas Sarkozy n'a retenu que des concessions minimales, en faveur des parents d'enfants handicapés et des mères-de-3-enfants-nées-entre-1951-et-1955-et-ayant-cessé-de-travaillé-au-moins-un-an.
Mais Sarkozy s'inquiète quand même. « Mon problème c'est de faire passer la réforme des retraites sans qu'il y ait trop de bordel, sans grèves dures, sans que les jeunes se joignent à la contestation, tant que les jeunes ne s'en mêlent pas, je maîtrise » a-t-il confié à des proches la semaine dernière. Un vrai problème.
Les privilégiés
A droite, on aime donc accuser l'opposition d'instrumentaliser la jeunesse dans le dossier des retraites. « Ceux qui appellent à la mobilisation des jeunes sont totalement irresponsables. Quand je vois le Parti socialiste, les Verts ou le NPA et l'extrême-gauche appeler à la mobilisation des jeunes, c'est d'une irresponsabilité totale, ou d'un électoralisme forcené. » a fustigé Eric Woerth. Sa collègue Nadine Morano accusait les lycéens d'être « complètement instrumentalisés ». Et d'ajouter: « Comment peut-on dire que des lycéens soient concernés par cette réforme des retraites qui a une échéance en 2018 ? » Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, disait exactement l'inverse : « Pour les plus jeunes des Français, si on ne fait pas cette réforme, c'est eux qui vont payer et qui vont payer deux fois. Il est donc essentiel qu'elle soit faite. »
Les mêmes n'avaient rien à dire à propos d'une publicité provocante, financée par un collectif d'employeurs et soutenue par Laurence Parisot dès lundi matin, contre les grutiers du port de Marseille.
Il y a pourtant d'autres privilégiés. La semaine dernière, une centaine de députés UMP s'étaient mobilisés pour demander la fin de l'ISF et du bouclier fiscal. On s'est aussi interrogé sur l'incroyable progression des frais de personnel attachés aux services du premier ministre. Les projets de budget détaillent souvent plus facilement les recettes que les dépenses. René Dosière, député apparenté socialiste, a demandé à chaque ministre la moyenne des trois rémunérations les plus élevées (primes et indemnités comprises) et des trois rémunérations les plus basses dans leur cabinet. Les résultats, communiqués le 5 octobre par le gouvernement, sont parfois surprenants.
  1. Ministère du Budget : 181 410 euros ;
  2. Cabinet du premier ministre : 169 040 euros ;
  3. Ministère de l'économie : 167 381 euros ;
  4. Ministère de la justice : 153 564 euros ;
  5. Ministère de l'Education nationale : 152 484 euros ;
  6. Ministère de l'Intérieur : 146 074 euros ;
  7. Ministère de l'industrie : 144 696 euros ;
  8. Secrétariat à l'Enseignement supérieur : 138 864 ;
  9. Ministère de la Défense : 138 552 euros ;
  10. Secrétariat d'Etat aux anciens combattants : 134 652 euros
Le député Dosière rappelle sur son blog qu'à l'Elysée, les rémunérations sont encore plus avantageuses : « la moyenne des 5 rémunérations les plus élevées (contractuels seuls) s'élevait à 16 479 euros par mois soit près de 50% de plus. Pour Henri Guaino détaché de la Cour des comptes sa rémunération nette se situait à 19 000 euros mensuels. »

Qui est privilégié en Sarkofrance ?
Les prétendants
Jean-Louis Borloo y croit, mais Michèle Alliot-Marie n'a pas lâché l'affaire. La succession de François Fillon à la tête du gouvernement attise les appétits. La Garde des Sceaux, pourtant grillée par l'affaire David Sénat, s'est exprimée lundi dans les colonnes du Figaro.
A la veille d'une semaine sociale très chargée, la ministre n'a pas le sens du timing. Elle a joué à la parfaite soldate du sarkozysme : un tacle contre Martin Hirsch et son ouvrage sur les conflits d'intérêts (« Je règle mes comptes en direct, pas sur la place publique ni par-derrière à coup d'insinuations fielleuses. »), un compliment pour les frères ennemis de l'UMP Copé et Bertrand (« le groupe UMP de l'Assemblée travaille bien et a un bon président actif et créatif. (...). Pour autant, Xavier Bertrand fait du bon travail notamment sur le terrain »), un soutien sans faille aux dérives insécuritaires de l'été (« le discours de Grenoble a fait l'objet d'interprétations partielles et partiales, qui ont créé des malentendus.»), puis une conclusion comme un appel du pied à Nicolas Sarkozy: « C'est un devoir d'être prête, si c'était la décision du président. »
Le ménage a cependant démarré. Thierry Saussez, chef du Service d'Informations du Gouvernement depuis avril 2008, quitte son poste. Officiellement, l'intéressé explique que sa mission était « temporaire ». Officieusement, on se rappelle les quelques couacs, parfois retentissants, qui ont accompagné ses deux ans et demi à la tête du SIG : le plantage du portail france.fr, désactivé un mois durant juste après son lancement le 14 juillet, des coûteuses campagnes de pure propagande gouvernementale (comme les 7 millions d'euros dépensés pour la réforme des retraites en avril dernier), des opérations gadgets (comme le Skyblog Waka, « pour réussir ton parcours. Exprime-toi pour que ça bouge !»), ou l'appel d'offres pour une veille du Net. Globalement le budget du SIG s'est élevé à 6,9 millions d'euros en 2006, 6,2 millions en 2007, 10,7 millions en 2008, 27 millions en 2009, et 28 millions d'euros en 2010.
Pour la campagne de 2012, cette manne sera utile. Sarkozy, paraît-il a prévu une campagne éclair, comme François Mitterrand en 1988. Il veut éviter de parler de son bilan, lui qui n'a  cessé de répéter depuis son élection qu'il serait jugé sur ses actes. Un comble !