En attendant qu'une bonne idée jaillisse...

Publié le 03 janvier 2008 par Jean Lançon

Supplanter le moteur de recherche de Google avec un capital de départ de "seulement" 2 millions de dollars ? C'est le défi qu'entend relever Blekko (source : Techcrunch ).

Je me garderai bien de crier "au fou !" ou de prendre les fondateurs de Blekko pour de doux naïfs.

D'abord parce qu'une bonne idée, pour peu qu'elle soit "bien buzzée", a plus de chances de réussir, même avec des capitaux réduits, qu'une idée banale disposant de moyens financiers énormes. J'en suis la preuve vivante, ayant créé en 1997 un précédent sur Internet, lançant avec seulement 3.000 francs en poche un fonds de commerce online qui, racheté en 2003, est un composant non-négligeable d'une société 100% française qui, depuis, a été introduite en Bourse.

En contrepoint de cet argument, je soulignerai que Google innove peu, préférant semble-t-il gérer ses capitaux et acquisitions de start-ups, que de se positionner comme leader d'un futur technologique excitant.

En second contrepoint du même argument, j'ajouterai qu'il y a presque dix ans de cela, quand j'expliquais à mes partenaires de travail que je faisais mes recherches sur Internet avec Google, tout le monde me regardait avec des yeux écarquillés : Altavista était le leader, et personne ne pouvait prétendre le détrôner ! La suite, vous la connaissez.

Rich Skrenta, l'un des fondateurs du projet Blekko, précise entre autres que selon lui "PageRank a déformé le web. Google en est responsable et tombera avec". J'irais pour ma part un poil plus loin dans l'analyse, même si j'adhère à la première partie de la citation.

Là où je suis en désaccord, c'est avec la seconde partie. Ce qui peut "flinguer" Google, ce n'est pas le PageRank. C'est sa stratégie tout court qui s'en chargera.

La stratégie de Google est fondée sur l'omniprésence. Le but de Google, et que la compagnie n'arrive désormais plus à dissimuler, est que rien (ou presque) ne puisse se passer sur Internet sans que Google y soit présent d'une façon ou d'une autre. Chaque page web consultée doit, à terme, nourrir Google, que ce soit en argent (AdSense, AdWords), en données (Orkut, DoubleClick) ou en termes de promotion et d'image (tous services en général).

Cette omniprésence est maintes fois supérieure à ce que l'on reprocha jadis à Microsoft. Il y a dix ans, plein d'utilisateurs - mais aussi de professionnels - juraient que si l'on ne faisait rien, Microsoft absorberait l'Internet. Dix ans plus tard, l'on constate qu'il ne s'est rien passé de tel, et l'on comprend finalement que, même sans procès, il n'y aurait rien eu de tel non plus. D'où mon étonnement face à l'absence de réaction face à l'appétit d'ogre qu'affiche Google, et, je le dis tout cru, à la menace que cela représente à terme.

Mais ce serait sans compter sur la sagesse et le bon sens de chacun. L'effet de ras-le-bol, en ultime recours, aura raison des velléités de Google. A chacun d'entre nous de faire acte de prudence, de ne jamais confier tout "son" Internet à une seule entreprise, et, dans le cas de Google, de ne l'utiliser que là où il est le meilleur.

Je clos là la parenthèse sur Google, sa stratégie et son avenir. Et pour faire écho à Blekko, je sais, pour l'avoir vécu, que sauf cas très particuliers nécessitant des infrastructures mastodontesques, les idées sont plus fortes que les capitaux de départ.

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