Sombres familles, sombres femmes

Par Polidjin

Aujourd’hui 3 septembre paraît chez l’éditeur anglais Faber&Faber le roman The Bradshaw Variations. Il ne s’agit pas là des nouvelles aventures de Carrie B., personnage d’une célèbre série américaine, mais du dernier roman de l’auteure anglaise Rachel Cusk. Elle est considérée par le magazine littéraire Granta1, publication réputée d’Outre-Manche, comme l’une des vingt meilleurs jeunes auteurs britanniques.

Née au Canada en 1967, Rachel Cusk a grandi aux États-Unis et en Angleterre. Elle publie en 1993 son premier roman, Saving Agnes. Il remporte le Whitbread First Novel Award, un prix littéraire anglais (on peut trouver parmi les autres récipiendaires des auteurs tels que William Boyd et Hanif Kureishi avant elle, Zadie Smith après). Quatre autres romans suivent : The Temporary (1995), The Country Life (1997, pour lequel elle remporte le prestigieux prix Somerset Maugham), The Lucky Ones (2003), et In the Fold (2005). La plupart de ces ouvrages tournent autour du thème de la famille et de la femme, des sujets qui semblent hanter l’imaginaire de Cusk, et qu’elle met en scène dans des atmosphères oppressantes, de malaise. En 2001, elle publie un récit sur la difficulté de devenir mère, et les conséquences sur la femme, à travers le prisme de sa propre maternité.

A Life’s Work: On Becoming a Mother a été mal reçu par de nombreuses lectrices anglaises, en raison de sa description négative des conséquences de la maternité sur la vie d’une femme. Rachel Cusk a été accusée de ne pas aimer les/ses enfants. « Je pense souvent que les gens n’auraient pas d’enfant s’ils savaient de quoi il en retourne », écrit-elle. Depuis, elle se sent haïe par les autres mères.

Arlington Park, publié en 2006, n’a pas marché en Angleterre, et Rachel Cusk y reste principalement connue pour l’ouvrage cité plus haut. En France, il a été le premier de ses ouvrages à être traduit, suivi jusqu’à maintenant par le seul In the Fold (Egypt Farm (2008), Éditions de l’Olivier). Ici, il a connu un grand succès. Elle l’explique par le fait que « les femmes françaises aiment intellectualiser leurs propres expériences.2 »

Cette année, elle a publié un récit, moins controversé que le précédent, que d’aucuns (la journaliste anglaise Lynn Barber) la soupçonnent même d’avoir écrit pour « démentir qu’elle détest[e] passer du temps avec ses enfants ». The Last Supper: A Summer in Italy, décrit son séjour de 3 mois, avec sa famille, en Italie.

Et voilà donc son nouvel ouvrage. Le couple éponyme de The Bradshaw Variations vit une situation encore assez rare: Thomas a quitté son emploi pour s’occuper de leur fille Alexa, alors que Tonie, sa femme, vient d’accepter un poste à temps plein dans une université. Cette inversion des « valeurs » traditionnelles dérangent les parents et beaux-parents du couple, qui ne la comprennent pas et s’inquiètent des conséquences sur leur petite-fille. Thomas profite de cette situation pour se consacrer à la musique, Tonie redécouvre la vie hors du foyer familial. The Bradshaw Variations suit toute la famille (on y côtoie également les frères et soeurs de Thomas) pendant une année « pleine de crises et de révélations3». La famille, encore et toujours…

The Bradshaw Variations de Rachel Cusk, Faber&Faber, £15.99

  1. http://www.granta.com/Magazine/81
  2. Toutes les citations suivantes sont tirées de la très intéressante interview de Rachel Cusk par Lynn Barber  sur le site de The Guardian
  3. http://www.faber.co.uk/work/bradshaw-variations/9780571233588/