Balades irlandaises : le rêve de l'homme tranquille

Publié le 13 octobre 2010 par Rendez-Vous Du Patrimoine


Encore une histoire d'amour, dira-t-on après qu'on ait évoqué Autant en emporte le vent. Oui, mais pas seulement.L'homme tranquille (The quiet man), film de John Ford avec John Wayne et Maureen O'Hara dans les rôles principaux, en dit beaucoup sur l'Irlande de l'époque (1952), mais au moins autant sur l'Amérique et sur la vision du réalisateur sur la nature humaine.L'homme tranquille, c'est Sean Thornton (prononcez Cheun), américain chic et calme, John Wayne, qui débarque d'un superbe train à vapeur à Castletown en plein coeur de l'Irlande et veut se rendre à Inisfree. Les habitants s'attroupent : "Mais que peut-on vouloir à Inisfree ?" La question est bien posée. C'est que Sean Thornton est un "revenant, revenu au pays pour chasser ses ennuis". Mais sa qualité de fils d'irlandais immigré en Amérique lui colle à la peau. Il est avant tout un Yankee maintenant.Peu à peu, il va devoir apprivoiser ces irlandais rustres qui sont restés au pays et on en apprend un peu plus sur sa vie à lui : ancien boxeur, il a quitté le métier après un match où son adversaire est mort sous ses coups. Il est alors devenu, "l'homme tranquille", celui qui refuse la bagarre et préfère tendre la main. Une belle métaphore.
Rien ne vaut la mort d'un autre homme, et même la tradition pour lui "ne vaut pas que l'on se batte".On comprend aussi à quelques allusions que l'Amérique rêvée n'est pas aussi douce que les immigrants l'espéraient. Sean a joué sur des tas d'ordures et sa mère est morte là-bas quand il avait 12 ans. A celui qui lui demande ce qu'on leur fait manger à Pittsburg, il répond "de l'acier ! Et après, quand on est endurci, d'autres choses"... Le rêve américain n'est pas tendre.A l'opposé, le rêve irlandais du "retour au pays" n'est pas moins complexe. Il prend la forme d'une jolie bergère rousse, Mary Kate Danaher, qui se révèlera un caractère bien trempé et flanquée d'un frère brutal et obtus.L'apparition est d'abord si charmante que Sean s'interroge tout haut : "Est-ce un rêve ? est-elle réelle ?" avant que le poivrot de service ne la détrompe : "Illusion, mon cher ; c'est un mirage causé par la soif".
Le rêve est vite rattrapé par la réalité.Elle-même veut y croire et sur son épinette joue et chante : "Qu'il est doux de flâner le matin, quand le monde endormi rêve d'amour...". Mais, elle aussi, la réalité la rattrape : Sean a beau lui déclarer sa flamme et réussir à l'épouser malgré les refus réitérés du frère, elle reste convaincue que, sans sa dot, elle ne peut rien faire de bon : "Ces choses portent 3 siècles de rêve. Je veux mon rêve et je l'aurai !".
L'argent contre l'amour. Pour son américain de mari, "c'est bien des histoires pour quelques affaires... le fric, l'argent ce n'est pas si important", rien n'y fait, elle s'entête, les blocages de son éducation ancestrale sont plus forts que tout parce que, pour elle, "posséder compte plus que l'argent lui-même; c'est une tradition ici". Peut-être aussi parce qu'il est finalement question de liberté : la femme ne s'achète pas mais réclame son dû.Rassurez-vous, après quelques bagarres "homériques" comme dit le poivrot, quelques courses épiques, quelques gifles et quelques baisers ardents, les époux retrouvent la paix dans leur joli cottage tout en technicolor, la dot jetée au feu, enfin libres.A bas l'argent et "Pleasants dreams !" (beaux rêves) comme dit le pasteur à sa femme en lui souhaitant la bonne nuit.
PS. Si vous allez à Cong (Connemara), vous verrez "la maison de l'homme tranquille" et l'abbaye où les héros se réfugient sous l'orage (trempés quand même !).
Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !