« Courir » de Jean Echenoz (2)

Publié le 16 octobre 2010 par Sheumas

   Dans cette montée en puissance de celui qu’on appelle désormais « la Locomotive », Echenoz s’attache aussi à décrypter l’attitude de la presse sportive amatrice de coups d’éclats. Il suit de près ceux qui d’abord se réjouissent du « phénomène » puis finissent par se lasser du champion qui rafle tout et ne laisse plus aucune surprise. Il s’intéresse également à la présence des pouvoirs politiques qui tirent les ficelles. Au cours des compétitions, Zatopek représente ce qu’on appelait à l’époque « un pays de l’Est ». Le coureur n’est pas libre de ses mouvements. Il s’entraine et s’habille en rouge, s’entraine et s’echauffe derrière le fameux « rideau de fer ».

   Peut-être cela contribue-t-il à nourrir la légende. Echenoz va dans ce sens quand il passe en revue les lettres de ce nom désormais auréolé :

 

   Son patronyme devient aux yeux du monde l’incarnation de la puissance et de la rapidité, ce nom s’est engagé dans la petite armée des synonymes de la vitesse. Ce nom de Zatopek qui n’était rien, qui n’était rien qu’un drôle de nom, se met à claquer universellement en trois syllabes mobiles et mécaniques, valse impitoyable en trois temps, bruit de galop, vrombissement de turbine, cliquetis de bielles ou de soupapes scandé par le « k » final, précédé par le « z » initial qui va déjà vite, on fait « zzz » et ça va tout de suite vite, comme si cette consonne était un starter. Sans compter que cette machine est lubrifiée par un prénom fluide. La burette d’huile Emile est fournie avec le moteur Zatopek.