Nantes, MidiMinuit Poésie, 2

Par Florence Trocmé
Le festival continue dans les rues de Nantes, petit vent froid, mais ambiance chaleureuse, avec en toile de fond la manifestation .

Au menu de ces deux nouvelles heures, deux lectures aussi contrastées et différentes que possible. La première, au Café le Cercle Rouge, Joël Bastard. Il lit des extraits de deux de ses livres, l’un qui est épuisé La Compagnie des Eaux, (Le Trident Neuf, 2009), l’autre qui sort quasiment de l’imprimerie, Bâton Rouge (Virgile, 2010). Lecture de facture classique pour des textes sobres, évoquant l’eau en toutes sortes de lieux depuis Bénarès, jusqu’à la Bretagne où les « vagues font leur boucan dans l’obscur », depuis l’Ardèche jusqu’à Israël et l’Anjou, autour, donc, du fil conducteur de l’eau, celles des fleuves, le Rhône, la Loire, celle de la mer car « tout finit à la mer, le plus bas niveau de nous-mêmes ».

Autre livre, Bâton rouge, qui évoque non pas la Louisiane mais des « terres rouges aux confins de la Franche Comté. En une exaltation du « voir », « cinglant, magique, envoûtant, érotique… », brèves observations sur le vif, scènes de la vie quotidiennes, paysages, rencontres « j’aime rencontrer des raccourceurs, des champignonistes… »
Tout autre univers donc et on devine déjà que ce sera un des grands intérêts du festival, la pluralité des voix et des mondes poétiques. Sébastien Lespinasse dont Jean-Pascal Dubost qui le présente dit qu’il est une « bouche monde », un « animal culturel qui fouille dans les rebuts », pour transformer cette matière en espace lyrico-sonore, un « sauvage poète » qui cherche à remonter jusqu’à la source du langage, quand tout n’était que son, dans la mouvance tout ensemble de Rabelais, de Jarry faisant merdrer la langue, d’Artaud, de Schwitters ursonatant, de Gherasim Luca, un « pneuète » tentant une alliance desespérée du bas et du haut. Travail vital d’homme pensant. 
Il va donner une série de poèmes de factures différentes, marqués par de jeux vocaux, des vocalises, un travail sur les onomatopées mais avec aussi une forme de mise en scène, allant du grave au franchement désopilant, comme ce texte formidable entièrement construit à partir de noms de pays et de lieux, poème dont le thème est…l’identité nationale : « je l’emportugale, je l’Irlande, elle me sicile à chacun de ses regards »; ou bien encore ce poème qui s’intitule « fermer sa gueule » et qui n’est que jeu d’expression d’une homme qui étouffe !  Un des effets les plus surprenants de cette performance est que la parole, quand soudain, brièvement, elle apparaît à nu, prend une sorte de profondeur étonnante. De façon tout à fait adéquate à son contenu, cette performance a été ponctuée par un envol de pigeons, le passage d’un avion à réaction ou bien encore le tumulte de la manifestation.