Les cheminots restent des retraités privilégiés / par Alain Sueur

Publié le 19 octobre 2010 par Alains

Grève sur grève – alors que les cheminots ne sont pas concernés avant 2023 par la réforme actuelle, et encore très peu puisqu’ils conservent le droit de partir dès 50 ans ! Intéressant est le Rapport d´information de la commission des finances au Sénat sur le bilan de la réforme du régime spécial de retraites SNCF par Bertrand Auban, le 29 septembre 2010

Deux ans après la réforme de juillet 2008, ce premier bilan montre combien les retraites cheminots psèent sur les comptes publics. La subvention de l’Etat aux retraites des cheminots est supérieure à 2 milliards € depuis 1995. Elle a constamment augmenté et dépassera 3 milliards € cette année. Le nombre de cotisants n’est que de 162 000 actifs au 31 décembre 2009 pour 291 000 pensionnés. Elle devrait continuer à progresser dans les prochaines années : de 3,2 milliards € en 2011 à plus de 3,3 milliards € jusqu’en 2015.

Ce déséquilibre démographique important est surtout dû aux fortes embauches de cheminots lors de la reconstruction du réseau ferré après la deuxième guerre mondiale (450 000 cotisants en 1949). Il est normal que l’Etat compense, mais la part du financement public dans l’équilibre du régime atteint 60 % ! D’où l’augmentation progressive de 4 mois par année de l’âge d’ouverture du droit à pension qui ferait passer le départ en retraite de 50 à 52 ans pour les conducteurs et de 55 à 57 ans pour les autres agents. Selon ce calendrier, la réforme de 2010 ne serait donc pleinement effective pour les régimes spéciaux qu’en 2023. La subvention d’équilibre s’élèverait encore à un peu plus de 2,5 milliards d’euros en 2030.

 
Les pensions moyennes directes servies par le régime ne sont pas une misère. Elles s’élèvent à 21 970 euros par an, soit 1 830,83 € par mois. Le minimum de pension est de 1 151,18 € par mois (contre le minimum vieillesse du droit commun à 708,95 €)…

Le taux maximum de liquidation de la pension reste de 75% pour une carrière complète et 80% avec les bonifications ; la référence pour le calcul de la pension sur la rémunération des six derniers mois. Les modifications 2008 ne portent que sur la suppression de la mise à la retraite d’office à l’initiative de l’entreprise, le passage progressif de 150 trimestres (37,5 ans) à 164 trimestres (41 ans) au 1er juillet 2016 pour bénéficier du taux plein (75 %), l’instauration d’une décote ou surcote, l’indexation des pensions sur les prix à compter du 1er avril 2009 et la suppression des clauses discriminatoires hommes/femmes.

Le décret du 7 mai 2007 a institué une caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF), organisme de sécurité sociale chargé d’une mission de service public placé sous la tutelle conjointe des Ministres du budget, des transports et de la sécurité sociale.

Mais – ce que l’on sait moins - est la conséquence mécanique de la prolongation d'activité professionnelle est autour de 50 millions € en 2009 pour le budget de la SNCF. La réforme de 2008 a opéré un transfert de charges substantiel du régime de retraite vers l’entreprise. Ce qui ampute la capacité à investir dans le matériel et l’entretien.

Décidément, les trains « qui arrivent à l’heure », qui polluent peu et qui sont fiables et sûrs, coûtent très cher aux Français. On peut en être fier, mais il faut avoir conscience que l’aristocratie du rail défend des privilèges exhorbitant du droit commun. Tout en faisant grève pour n’importe quel prétexte, désorganisant trop souvent la vie de millions d’usagers. Avant de soutenir les grévistes par caprice, avons-vous les moyens de payer encore plus d’impôts pour leur confort ?