Antoine Ruette et deux ouvrages aux armes de Marie-Thérèse d'Autriche

Par Hugues
Amis Bibliophiles bonsoir,

On ne dira jamais assez l'importance de la documentation en matière de bibliophilie, absolument nécessaire à l'apprentissage et au rêve.Ainsi, alors que je relisais hier soir les catalogues de la vente Wittock, mon regard s'est arrêté sur le numéro 181 de la 2ème vacation (Reliures à décor sous l'Ancien Régime, 8 novembre 2004). Un office de l'église et de la Vierge en latin et en français, à Paris, chez Pierre Le Petit, 1676. Cet ouvrage me disait définitivement quelque chose. Un aller-retour jusqu'à ma bibliothèque me confirmait immédiatement la chose: j'avais au milieu d'autres ouvrages, acheté dans un lot, le cousin de cet ouvrage ayant appartenu à Michel Wittock, un office de la Semaine Sainte, 1667, à la curieuse "Compagnie des Libraires associez au Livre de la Semaine Sainte". Même sujet, même époque, mais surtout une reliure quasiment identique à celle du Wittock: maroquin rouge, roulette décorative en encadrement, armes couronnées de Marie-Thérèse d'Autriche (mais avec un fer "plus fin" que l'exemplaire Wittock) surmontant deux palmes nouées frappées au centre des plats, le champ est semé en alternance du chiffre couronné et de la fleur de lys, dos à nerfs orné du chiffre couronné, roulette intérieure et tranches dorées. Des reliures très comparables, même si les fers de mon exemplaire (in-12, contre in-8) sont beaucoup plus raffinés et à mon sens plus élégants.Cela semble anodin, mais finalement cela l'est moins qu'il n'y paraît dans la mesure où les reliures aux armes et au chiffre de Marie-Thérèse d'Autriche sont rares. La reine n'était en effet pas bibliophile et on connaît peu d'ouvrages reliés à ses armes. Les deux ouvrages, bien que non répertoriés, s'inscrivent bien dans la lignée des 18 volumes cités par Quantin-Bauchart.Ce qui est curieux, c'est leur air de famille: si proches quand on les envisage globalement, si éloignés quand on s'en approche. Mon exemplaire dont la reliure me semble supérieure pourrait être attribué à Antoine Ruette (actif entre 1640 et 1669), dont on sait que relieur ordinaire du roi à la mort de son père Macé, il édita et relia des livres à caractères religieux dont un certain nombre d'entre eux aux armes de Marie-Thérèse d'Autriche. L'exemplaire Wittock, postérieur à la fin d'activité d'Antoine Ruette serait alors l'oeuvre d'un atelier moins important. Raisonnement que je vous soumets mais qui me semble cohérent. 
Exemplaire "Hugues"

Exemplaire Wittock

Cela semble d'ailleurs encore plus évident quand on compare les fers de mon exemplaire à ceux identifiés sur http://www.cyclopaedia.org/1659/ruette3.html, en particulier les roulettes II et IV.Alors exemplaire Ruette ou pas? Qu'en pensez-vous?Quelques mots sur Marie-Thérèse d'Autriche à laquelle on doit finalement ces deux livres:

Marie-Thérèse d’Autriche (Madrid, 10 septembre 1638 - Versailles, 30 juillet 1683), fut l'épouse de Louis XIV, infante d'Espagne et reine de France. Fille du roi d'Espagne Philippe IV et d'Élisabeth de France, à 8 ans, Marie-Thérèse était le seul enfant survivant de Philippe IV et l'héritière des immenses possessions espagnoles sur lesquelles "le soleil ne se couchait jamais". Son éducation a été étroite, rigide, et profondément catholique. Depuis son plus jeune âge, il était question qu'elle épouse, pour des raisons dynastiques son cousin, chef de la branche autrichienne et impériale des Habsbourg, d'abord l'archiduc Ferdinand qui mourut en 1654 puis le frère de celui-ci qui devint l'empereur Léopold Ier en 1658. Marie-Thérèse vécut cependant dans l’intime conviction qu'elle épouserait le roi de France Louis XIV, son cousin doublement germain mais ennemi de sa maison. À son mariage, elle ne parlait toutefois pas un mot de français mais elle apportait le chocolat et la première orange. Elle épousa le 9 juin 1660, en l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, conformément au traité des Pyrénées, Louis XIV. Œuvre du cardinal de Mazarin, premier ministre français, ce mariage n'était pour le roi que raison d'État. Il avait jusqu'au dernier moment espéré épouser la nièce du cardinal Marie Mancini, mais le ministre et la reine-mère, Anne d'Autriche, s'opposèrent à cette mésalliance. Marie-Thérèse resta toute sa vie très pieuse. Elle invitait les "courtisanes" de son mari à venir faire des prières avec elle. Marie-Thérèse finit par se replier sur elle-même, vivant au sein d'une petite cour, isolée au milieu de la Cour, recréant l'atmosphère de Madrid, entourée "de ses femmes de chambre espagnoles, de moines et de nains", mangeant de l'ail et buvant du chocolat, chaussant des talons très hauts qui la faisaient souvent tomber. Marie-Thérèse souffrit beaucoup de certains adultères du roi qui faisait de ses favorites des dames de compagnie de son épouse et voyageait ouvertement avec sa femme et ses deux maîtresses. Confronté à ce spectacle immoral, on prétend que le peuple murmurait, goguenard ou affligé, "Le roi promène les trois reines". Elle souffrit également à partir de 1667 des légitimations successives des enfants naturels de son mari. Ces derniers faisaient de l'ombre au dauphin. À partir de l'été 1680, sous l'influence de Madame de Maintenon, Louis XIV se rapprocha de son épouse, qu'il avait publiquement délaissée. « La reine est fort bien à la cour », remarquera, toujours moqueuse, Madame de Sévigné. Marie-Thérèse, émue par les attentions inattendues de son volage époux dira : « Dieu a suscité Madame de Maintenon pour me rendre le cœur du roi ! Jamais il ne m'a traitée avec autant de tendresse que depuis qu'il l'écoute ! »Mais Marie-Thérèse ne profita guère de ce regain de faveur. Elle mourut brusquement, le 30 juillet 1683, à Versailles, des suites d'une tumeur bénigne sous le bras gauche mais mal soignée.H