La hotte plombée du Père Noël

Publié le 19 décembre 2007 par Lagrandeinvasion

Barbie a pris une baffe. L’été 2007 bat son plein. Les journaux télévisés sont garnis de campeurs saucés de pluie, de vacanciers dépressifs et de président en bateau, quand, le 1er août, Mattel bat le rappel de près d’un million de jouets peinturlurés au plomb dans ses usines chinoises. Il y aura trois salves en tout. La seconde le 14 août, la dernière le 4 septembre. Des bestioles domestiques qui égayent le quotidien figé de Barbie aux aimants qui ferment les maisons roses des Polly Pocket, en passant par les couleurs de la rue Sésame plastifiée : au total, plus de 18 millions de jouets. Une véritable catastrophe industrielle.

Aux États-Unis, le groupe de pression Campaign for America’s future a bidouillé un clip pour protester sur les failles du système de contrôle. Barbie et Ken se revoient pour boire un verre. La rupture a, semble-t-il, brisé davantage Ken que Barbie. Un carton noir suggère une folle nuit in memoriam, sans les organes idoines, mais avec un nounours sous le baldaquin. Au réveil, ils sont déjà tout rhabillés, mais la coupe “just fucked” de Barbie laisse rêveur. Ils se promettent de s’appeler. Ce que Barbie ne manque pas de faire, une semaine plus tard, pour annoncer à Ken qu’il lui a refilé un truc : un empoisonnement au plomb. Pas de capote. Bravo Barbie et Ken. On vous rappellera pour faire de la prévention. L’idée de départ est assez drôle, la réalisation poussive et très cheap.

Le plomb n’est pas une bonne idée, globalement. Et pour les enfants encore moins. Ce métal lourd s’accumule dans les organismes. Il est neurotoxique, peut endommager les reins, l’ouïe, le QI et beaucoup d’autres choses. Son effet le plus connu, le saturnisme, est causé par les tuyauteries et les peintures au plomb dans les logements vétustes. (Vous trouverez ici plus d’informations sur les dangers du plomb et ses sources d’exposition.)

Tentant de rassurer des hordes de parents flippés, la Commission européenne fait de la pédagogie sur son système de contrôle des normes. Qui fonctionne très bien en Europe. La preuve : elle met en avant son programme RAPEX. Chaque année, la Commission met en scène sa galerie de petites horreurs constituée d’articles hors normes, saisis à l’importation, et auxquels les consommateurs ont échappé grâce à sa vigilance aigüe. En 2006, plus de 1.000 objets (une fois sur quatre, des jouets) ne correspondant pas aux normes de sécurité ont ainsi été saisis. Dans 9% des cas, il s’agissait d’un souci de substance chimique. Le plus souvent, le problème venait de petites pièces dangereuses avec lesquelles les plus jeunes peuvent s’étouffer. Presque la moitié de ces produits provenaient de Chine. Cependant, certains avaient été produits dans des pays européens et même en France. Le rapport RAPEX 2006 note enfin que 17% des produits étaient d’origine inconnue. La traçabilité du jouet semble nettement perfectible.

“Il est impossible, en ce bas monde, de fournir des garanties à 100 %”, a déclaré Meglena Kuneva, commissaire chargée de la protection des consommateurs, suite à l’affaire Mattel. Quelles garanties peut-on espérer pour la santé des enfants qui tripotent leurs jouets à longueur de journée. 90%, 70%, 40% ? “L’industrie du jouet a l’obligation légale de veiller elle-même à ce que tout jouet proposé aux consommateurs soit sûr”, rappelle la Direction Environnement de la commission sur son site. Avant d’ajouter : “or, les récents rappels ont montré que ce n’était pas le cas”. La révision du cadre réglementaire au sein de l’Union européenne est en cours. Un projet de révision de la directive sur les jouets est attendu pour le début 2008.

Cela dit, il n’y a pas que Mattel. Les rappels de jouets hors normes interceptés par RAPEX se comptent par dizaines depuis 2005. Cela dit également, des chercheurs canadiens ont travaillé la question et disséqué les statistiques des rappels de jouets au États-Unis depuis 1988. Leur étude parvient à la conclusion que, dans 76% des cas, ce n’était pas la fabrication en elle-même qui était à l’origine du problème, mais des défaut de conception de la part des designers, expliquait le New York Times, en septembre dernier.

St.H.

Sources : Commission européenne, Département de la santé du Canada, Mattel, New York Times. Bapuji H. et Beamish P.W. Toy recalls – Is China the problem ? University of Manitoba, Asper School of business, August 31st, 2007.

Photo : Jouet Elmo au plomb rappelé l’été 2007.