Quand la ruine devient œuvre… (By Cécile)

Publié le 22 octobre 2010 par Lifeproof @CcilLifeproof

Dans le cadre des Journées de l'Architecture qui se déroulent de Karlsruhe à Bâle du 1er octobre au 5 novembre 2010, plusieurs expos photos ont été organisées sur le thème de la ruine à Strasbourg et Mulhouse. Pas très joyeux me direz-vous… Mais très intéressant cependant !

Ainsi, par un samedi après-midi où, à l'envie de sieste, se disputait le souhait d'aller voir l'une ou l'autre expo…J’ai, après un peu de repos, enfourché mon vélo et me suis rendue à La Chambre, original n’est-ce pas ? C'est dans ce cadre que j'ai découvert l'expo pas très chaotique mais perturbante de Guillaume Chamahian : « Chaos ».

 Vue de l’exposition « Chaos » de Guillaume Chamahian à La Chambre / Photo : C.R.

Accueillie par le silence, je me déplace dans la galerie à pas discrets. Ces photos n’invitent pas au bruit ou au dialogue, plutôt à la réflexion... Je me suis sentie mal à l’aise en les regardant : ruine, destruction, calme, désordre et tristesse s’y mêlent. On est observateur de la mort d’un monde et je m’interroge : est-il possible de faire quelque chose contre cela ?

 

Vue de l’exposition « Chaos » de Guillaume Chamahian à La Chambre / Photo : C.R.

L'angoisse monte… Tout compte fait, j'entends quelque chose. Des bruits, de la musique et des mots accompagnent l'exposition. Dans la troisième salle, je découvre une projection vidéo, les photos de la série Chaos défilent au son d'une bande originale qui, comme dans un film, essaie d'influer sur les émotions du spectateur et fait monter la pression...

Ces prises de vue sont le reflet d'une réalité à laquelle nous ne sommes pas ou peu confrontés dans notre société. La guerre, la destruction et le chaos existent mais on les voit essentiellement à travers un écran de télévision ou sur une surface de papier. Ainsi photographiés et présentés, anonymes, vides d'hommes, ces paysages deviennent, il me semble, universels et montrent ce qui est mais aussi ce que le monde, la ville et le quartier dans lesquels nous vivons pourraient devenir. À méditer...

Le lendemain en fin d'après-midi... Une seconde exposition de photos de bâtiments en ruine et de murs décrépis m'attend, cette fois au Maillon, théâtre de Strasbourg !

Vue de l’exposition « Les ruines de Détroit » d’Yves Marchand et Romain Meffre au Maillon / Photo : C.R.

De grandes bâches imprimées sont présentées dans un hall d'exposition qui jouxte la salle de théâtre : « Les Ruines de Détroit » par Yves Marchand et Romain Meffre, binôme de photographes.

Avant tout, plantons le décor : un grand hall d'exposition ; un canapé et deux fauteuils sortis d'un autre temps, une table basse et ronde, une lampe les éclaire ; autour, des murs gris anthracites sur lesquels des photos sont accrochées ; sur l'un des murs, une vieille horloge surplombe le tout, il est 3h02, le temps s'est arrêté ; l'ambiance est irréelle, intemporelle.

Vue de l’exposition « Les ruines de Détroit » d’Yves Marchand et Romain Meffre au Maillon / Photo : C.R.

Contrairement à l'exposition à La Chambre, ici, les lieux photographiés sont identifiés. Que ce soit la salle de bal d'un hôtel, une bibliothèque, un commissariat de police, le cabinet d'un dentiste, une usine ou encore une école, on pourrait aller à Détroit, retrouver ces endroits et s'y promener. Ces photos sont réellement surprenantes et vraiment très belles. Elles se veulent les témoins d'une ville industrielle qui a presque été désertée par ses habitants. Ça fait froid dans le dos !

En France, on pourrait dire qu'on chérit le patrimoine et on met en place des politiques de conservation (qu'il s'agisse de peintures, de sculptures, de bâtiments, etc.). Aux États-Unis, on est dans un schéma inverse, si une architecture commence à tomber en ruine ou n'est plus aux normes et même si elle a une valeur historique ou esthétique cela n'empêchera pas sa destruction pour la construction d'un bâtiment neuf ou alors son abandon en l'état, comme le montrent les photos d'Yves Marchand et de Romain Meffre. Surprenant, hallucinant, dérangeant. À voir...

Vue de l’exposition « Les ruines de Détroit » d’Yves Marchand et Romain Meffre au Maillon / Photo : C.R.

Dans ces deux expositions, plusieurs dénominateurs communs : désolation, destruction, chaos, débris, silence, vide, plein, abandon... Alors que ce sont des photos de villes et de lieux de vie que l'homme a, lui aussi, quitté. La fin du monde a-t-elle eu lieu et l'aurais-je ratée ? Il ne s'agit pas d'une représentation fictive mais de comptes rendus de lieux détruits et désertés. Pourtant, je me suis crue face à une mise en image des mots et descriptions de Margaret Atwood dans Le dernier homme. Dans ce roman d'anticipation, il ne subsiste qu’un seul homme sur terre, il raconte ce qui reste, ce qui s'est passé, décrit le monde tel qu'il était avant l'apocalypse. Et, malgré cela et le fait qu'il ait tout perdu, il espère et continue de chercher d'autres survivants dans notre monde dévasté où l'humanité a été détruite. À lire...

« Chaos » de Guillaume Chamahian :

Expo du 8 octobre au 7 novembre 2010 à La Chambre / 4, place d'Austerlitz / 67000 Strasbourg

Du mercredi au dimanche de 14h à 19h

Nocturne le jeudi jusqu'à 20h

« Les ruines de Détroit » Yves Marchand et Romain Meffre :

Maillon-Wacken / Parc des Expositions / Place du Wacken / 67000 Strasbourg

Du mardi au vendredi de 17h à 20h

Et tous les jours de représentation (samedi, dimanche et lundi inclus) de 17h à l'issue du spectacle.

Table ronde « L'esthétique de la ruine » avec Sophie Lacroix, philosophe, le vendredi 29 octobre à 18h à La Chambre / 4, place d'Austerlitz / 67000 Strasbourg