Comment Sarkozy nie la réalité

Publié le 22 octobre 2010 par Letombe

Finalement, son fils Jean a été réélu à la tête de l'UMP de Neuilly-sur-Seine. Nicolas Sarkozy peut souffler dans les Hauts-de-Seine. La dynastie se met en place. Mais en France, la contestation contre la réforme continue. Eric Woerth fait à nouveau parler de lui, mais pas sur les retraites. D'autres fronts s'ouvrent, sur les heures supplémentaires défiscalisées, l'un des derniers totems sarkozyens à son tour critiqué. Mais Sarkozy n'en a cure. Il ignore les sujets.
Sarkozy visite la province
Jeudi, la pénurie de carburant frappait encore davantage de stations-services. Entre 4000 et 5000 stations étaient à sec ou manquaient d'un produit au moins. Le déblocage des dépôts, annoncé en fanfare mercredi matin par Brice Hortefeux, n'a pas encore changé la donne. Comme toujours, Sarkozy avait parlé trop vite. Jeudi, Jean-Louis Borloo était plus prudent : « Je ne peux pas le dire précisément et celui d'ailleurs qui le dirait, je pense qu'il serait bien imprudent », a déclaré le ministre de l'Ecologie et de l'Energie. Jeudi, les organisations syndicales décidèrent de deux nouvelles journées de grèves et manifestations, les 26 octobre et 6 novembre prochain. Sarkozy perd son pari. Le mouvement continue.
A 10H30, Nicolas Sarkozy est arrivé à Bonneval, en Eure-et-Loir, pour une visite ultra-protégée et bien médiatisée, comme il se doit, d'une PME d'ustensiles de cuisine. La visite, placée sous le thème de la ruralité, avait été tenue secrète jusqu'à la veille. Brice Hortefeux, qui a du temps à consacrer aux photographes malgré la crise en cours, et Michel Mercier, ex-Modem devenu ministre de l'Espace Rural en 2009, l'accompagnaient. La veille, l'Elysée avait mis en ligne la déclaration du président au conseil des ministres. Sarkozy joue un mauvais cache-cache avec ses contradicteurs : pas de conférence de presse, ni même d'intervention télévisée. Encore moins de débat. Il préfère l'écrit, ou l'oral devant des auditoires contraints et soumis.
Auparavant, Sarkozy avait enjoint ses autres ministres d'éviter les déplacements publics, par crainte de débordements. A Bonneval, sans personne pour lui porter la contradiction, il a répété son monologue de fermeté à l'encontre des casseurs - « J'ai vu les images de Lyon hier. C'est scandaleux, ce n'est pas les casseurs qui auront le dernier mot » - et de fermeture à l'égard des grévistes : « On ne peut pas être le seul pays au monde où, quand il y a une réforme, une minorité veut bloquer les autres. Ce n'est pas possible, ce n'est pas ça la démocratie. » Ou encore : « On n'a pas le droit de prendre en otage des gens qui n'y sont pour rien, dans leur vie quotidienne. » Sarkozy put lâcher un gros mensonge, en toute tranquillité à l'adresse des lycéens manifestants : « Ces lycéens-là, ce qu'on ne leur dit pas, c'est que la réforme elle est faite pour eux, parce que je l'affirme, c'est parce qu'on fera la réforme des retraites qu'ils n'auront pas à payer deux fois, une fois pour eux, une fois pour leurs parents. » Rappelons-le, la réforme sarkozyenne ne règle pas l'équation financière des régimes de retraites. Le projet maintient un trou de 15 milliards d'euros annuels, d'une part, et François Fillon a concédé qu'il faudrait une nouvelle réforme en 2018/2020.
Au Sénat, le débat continue. Tard dans la nuit de mercredi à jeudi, un amendement UMP a été adopté, prévoyant l'examen obligatoire, au cours du premier semestre 2013, des « conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au coeur du pacte social qui unit les générations » et des « moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.» Le mécanisme de retraite par point existe, en complément du régime obligatoire, dans le secteur privé. Il attribue des points en fonction du salaire. Dès 2013, donc, il faudra reparler des retraites, imposer une nouvelle réforme. Les jours passent et la tartuferie se fait plus évidente : avec cette réforme, Sarkozy ne cherchait pas à pérenniser le régime des retraites comme il le promet et le répète. Il cherchait deux années de répit budgétaires sur le dos du plus grand nombre et surtout des plus fragiles. Rien de plus, rien de moins.
Woerth fait parler
Au Sénat, le gouvernement presse le pas, comme l'explique la presse. sarkozu veut remanier son gouvernement, passer à une autre séquence, faire oublier l'amertume de sa réforme. « Il n'est pas justifié de rajouter cinquante heures de débat » a ainsi argumenté, jeudi au Sénat, le ministre du Travail, Éric Woerth. Le gouvernement ignore la contestation. Eric Woerth, justement, est rattrapé par deux affaires.
Eric de Sérigny, le conseiller bénévole d'Eric Woerth, en charge des relations avec le monde économique, réclame 5 millions d'euros de dommages et intérêts à Rue89. En cause, un article de septembre dernier qui détaillait la présence de Sérigny dans diverses sociétés offshore au Panama, une version contestée par l'intéressé mais confirmée par un ancien collègue. L'audience de cette affaire est prévue le 7 janvier prochain. Rue89 dénonce le caractère astronomique de la somme et, via son avocat, a présenté cette semaine toutes les pièces justifiant l'article.
La semaine dernière, le Canard Enchaîné révélait une autre affaire Woerth (relayée par le Courrier Picard et Politique.net) : alors ministre du budget, Eric Woerth a fait renfloué un fonds de retraite mise en place par le Conseil général de Picardie, géré par la Caisse nationale de Prévoyance, qui abonde d'une rente annuelle et à vie de 5 488 euros par mandat de six années effectué la retraite de ses anciens conseillers généraux. La Caisse des dépôts, maison mère de la CNP, comptait clôturer ce fond, qui se trouvait en état de cessation de paiement il y a deux ans. C'était sans compter l'abnégation du ministre du budget pour défendre ce petit avantage d'élu. Pire, Eric Woerth lui-même est un ancien conseiller général de Picardie et, à ce titre, bénéficiaire dudit fond.
Besson se cache derrière MAM
Mercredi, Mediapart a mis en ligne un questionnaire destiné aux maires et aux policiers destiné à traquer les fameux mariages simulés entre Français et étrangers. Le texte, annexé à une circulaire du 22 juin dernier et signée par la garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, est édifiant. Le questionnaire était resté confidentiel jusqu'alors, pour le seul usage de « la haute hiérarchie judiciaire », comme l'explique Mediapart : « Il convient que l'existence de cette proposition de grille d'audition soit connue des professionnels concernés – et uniquement de ceux-ci » peut-on ainsi lire dans ces consignes. Officiellement, la circulaire concerne tous les mariages de complaisance, et pas seulement les mariages mixtes. Mais les questions que doit poser l'officier d'état civil lors de l'audition préalable, comme les détails qu'il doit traquer, visent clairement les mariages entre Français et étrangers. Ils passent au crible l'intimité d'une relation et d'un projet de mariage (goûts du conjoint, histoires passées, anecdotes marquantes). La circulaire recommande la tenue d'entretiens séparés, et d'un procès verbal pour recenser les refus de réponses, et «toute constatation» de sentiments exprimés. Plus largement, c'est un inventaire à la Prévert des indices de fraude potentielle : 

«Qui a formulé la demande de mariage? Quand?», «Les parents du conjoint étranger ont-ils été présentés au conjoint de français?», «Quel est le niveau d'études du conjoint étranger? Parle-t-il français ? Écrit-il le français?», «En cas de différence d'âge importante, recevoir les observations du conjoint français», «Le conjoint étranger a-t-il des enfants issus d'un précédent mariage? Combien? De quel âge? En a-t-il la garde? Les voit-il régulièrement? Contribue-t-il financièrement à leur éducation?», «Y a-t-il eu célébration de fiançailles? Si oui, quels en étaient les témoins? Des photos ont-elles été prises? Une fête a-t-elle été organisée? Y a-t-il eu échange de cadeaux?»

 En Sarkofrance, le mariage mixte devient suspect. Sauf quand il s'agit de celui du ministre de l'identité nationale...
Tepa détricoté
Après le bouclier fiscal - que Sarkozy s'est résolu à réformer avec l'ISF en juin prochain -, la défiscalisation des intérêts d'emprunt immobilier - supprimée dans la loi de finances, voici la défiscalisation des heures supplémentaires qui est en ligne de mire de certains députés... de droite. Mesure phare de la loi Tepa d'août 2007, promesse de campagne de Sarkozy, ce dispositif était dès le départ coûteux et inutile. La crise aidant, il en est devenu anachronique. Les critiques ne sont pas nouvelles. Mais il est incroyable de constater à quel point Sarkozy a échoué sur son propre terrain. Non seulement les résultats promis (« gagner plus...», « la France propriétaire », etc) ne sont pas atteints, mais il est rarissime qu'une majorité détricote avant la fin de son mandat les mesures phares du programme de son candidat.
Sur les heures supplémentaires, la publication d'un nouveau rapport réalisé par deux économistes est en passe de leur porter un coup fatal. Même le Figaro relaye l'affaire d'un article cyniquement intitulé « Gagner plus pour travailler autant.» Les deux auteurs de cette étude expliquent que « cette réforme n'a eu aucun impact signicatif sur les heures travaillées. En revanche, elle a bien eu un impact positif sur les heures supplémentaires déclarées par les salariés qualifiés, qui ont de larges possibilités de déclarer des heures supplémentaires actives, car leur durée du travail est difficilement vérifiable.» En d'autres termes, cette avancée sarkozyenne fut une belle arnarque !

Sarkofrance

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