Cheyenne

Je vais vous dire : les séries Westerns, ce sont les plus intéressantes à chroniquer. Et par extension, elles sont parmi les plus agréables à regarder, du moins celles qui sont bien faites. Le personnage principal de cette série qui débute en 1955, Cheyenne Bodie, n’est vraiment pas un cowboy comme les autres. C’est une personnalité torturée : orphelin, il a été élevé par les Cheyennes qui ont tué ses parents et il entretient donc avec les indiens une relation complexe: il n’appartient pas à leur société et pourtant il est comme eux. Après avoir servi comme éclaireur dans l’armée , Cheyenne va désormais où le vent le mène, solitaire mais toujours solidaire, prêt à venir en aide à quiconque quand ce ne sont pas les ennuis qui viennent à sa rencontre. Son territoire, c’est l’Ouest tout entier, presque entièrement représenté dans l’introduction ci-dessous :

Cette série, qui est la première du genre Western à proposer des épisodes au format d’une heure, est produite pour le compte des studios Warner Brothers par William T. Orr, un acteur reconverti dans la production (après un joli mariage avec la belle-fille du patron), qui dirigea les premières années de la filiale Warner Television et qui fut un pionnier des feuilletons télévisés. Cheyenne fut une de ses réussites, un beau succès qui dura sept saisons. Et je crois pouvoir vous dire pourquoi : les scripts sont très bons, les acteurs se la donnent et les épisodes (bien joués et bien écrits donc) sont réalisés avec talent et montés avec soin. La série a employé deux bonnes douzaines de scénaristes et une autre de réalisateurs (une garantie de variété) et parmi lesquels on retrouve des noms qui vont faire les vingt premières années de la télévision.

Dans les 108 épisodes produits, Cheyenne Bodie est le seul personnage vraiment récurrent. On peut dire que c’est un activiste de la justice (il va même mener campagne au sénat dans un épisode pour la préservation des bisons). Il porte parfois l’étoile, lorsque personne d’autre dans le coin n’a le courage de faire la loi, il est quelquefois en mission officielle et d’autres fois encore contacté par des citoyens qui ont besoin d’aide. Mais il n’obéit qu’à sa conscience et n’hésite jamais à se mouiller (comme quand il fomente une mutinerie de soldats pour entraver des ordres criminels ou quand il démissionne de son poste de Marshall pour dénoncer la corruption ambiante). Comme je l’ai déjà dit, il voyage beaucoup (il est à Mexico en pleine agitation politique), il est souvent en contact avec des indiens et croise régulièrement la route de hors la loi. Les histoires, peut-être à cause de ce nouveau format, sont parfois assez tordues et dans plusieurs épisodes Cheyenne se retrouve des deux côtés de la loi (il y a par exemple un épisode où il infiltre une bande de brigands et se retrouve à combattre avec eux une autre bande pour protéger une ville). Les premiers scripts sont parfois des adaptations de films de cinéma.

Clint Walker interprète Cheyenne Bodie, on le reverra ensuite en vedette dans la série Kodiac (1974). Parmi tous les autres interprètes et par ordre de régularité, on doit citer : Clyde Howdy (parce que c’est certainement la seule occasion), le cascadeur Fred Carson qui a doublé pleins de grands cowboys (Anthony Quinn, Richard Boone…), Frank DeKova qui sera ensuite au générique de la comédie F Troop, le jeune James Garner qui apparaît dans quatre épisodes ou le plus jeune encore Dennis Hopper. Dans les seconds rôles de passage, il y a les incontournable, ceux qui sont toujours là pour faire la pute ou le coup de poing le temps d’un épisode : Don Haggerty, Julie Adams, Denver Pyle, Lee Van Cleef, John Doucette, Michael Landon, Chris Alcaide, Lorne Greene, James Best…

Après un beau départ en alternance avec d’autres séries dans le Warner Brothers Presents (un programme qui, en plus de faire tourner des concepts, avait la particularité de présenter des séquences «making-off » qui révélaient les coulisses de certaines tournages), Cheyenne va se hisser dans les hauteurs des classements d’audience et va devenir une série à part entière. Elle sera diffusée jusqu’en 1963, avec seulement une petite modification de concept durant quelques semaines, le temps pour l’acteur principal d’exiger une poignée de dollars supplémentaires. Pendant les négociations, le personnage principal fut remplacé par un autre, nommé Bronco (interprété par Ty Hardin) et qui aura plus tard sa série à lui. Et lorsque Walker en aura tout à fait assez de jouer Cheyenne, la série lancera encore un autre spin-off : The Dakotas. Le comédien reprendra le personnage pour un téléfilm en 1991 (The Gambler Returns: The Luck of the Draw) et un épisode du nouveau Kung Fu en 1995. Et bien entendu, durant sa diffusion et même après, ce cowboy a galopé dans des cases de comics tout à sa gloire et vendu quelques produits dérivés.

Pour les amateurs du genre, Cheyenne est assurément une valeur sûre et même les moins férus de Western se laisseront surprendre par le rythme des épisodes, les sujets et la qualité des interprètes. Malgré le succès et le renom de cette série, seule la première saison et une compilation sont disponibles en DVD à ce jour, éditées par Warner Home Video.

J.B.

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