Poezibao a reçu (dimanche 6 janvier 2008)

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s’agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournis par les éditeurs.

Gaston Puel, L’Âme errante et ses attaches, l’Arrière-Pays
Frédéric Boyer, Vaches, P.O.L.
Revue Pyro n° 13
Jean-Claude Pinson, Drapeau rouge, Champ Vallon
Jean Esponde, le barrage des Trois Gorges, Atelier de l’Agneau
Michèle Finck, L’ouïe éblouie, Voix d’Encre

Gaston Puel
L’Âme errante et ses attaches
l’Arrière-Pays, 2007, 15 €
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À l’écart, depuis sa colline de Veilhes – Là même où La fenêtre ardente, son atelier d’imprimerie et de gravure, s’est ouverte sur les œuvres de Max Ernst, Arp, Miro, Ubac, Carrade…tandis que l’on pouvait lire les écrits de Bousquet, Char, Malrieu, Nelli, Fondane, Della Faille… - non pas à distance mais dans la distance, Gaston Puel poursuit, dans la franchise absolue de lui-même, son travail de poète. Et d’homme. À partir d’ici, dans la solitude, la résistance. Et serein. Avec une fidélité qui force l’admiration. (Alain Freixe, lire la suite) ?

Fable

Dénombrés les charniers
Désignés les coupables

Désarmés les bourreaux
essuyés leurs couteaux

Revient la mort timide
Celle qui a des manières

Reviennent les moissons
Puis les neiges sans âge

Puis les tueurs de l’aube

(43)

Frédéric Boyer
Vaches
P.O.L. 2007, 10 €
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«Les vaches aimaient la pluie.»
Une phrase si simple, si commune dans sa structure, et cependant inimitable... On y reconnaîtrait Frédéric Boyer entre mille. Est-ce l'emploi de l'imparfait pour cette proposition qui d'un coup la déplace du côté du mythe ? Ou lui donne une infinie tristesse ? Des phrases comme celle-là, Vaches en est rempli.
Ce livre bref, tout entier consacré à ce qu'il y a de permanent et d'éphémère dans l'idée même de cet animal, et dans cette réalité à la fois massive et énigmatique, ce livre profondément nostalgique est aussi un traité de philosophie poétique, ou de poésie philosophique.  Y sont interrogées de la manière la plus tendrement triviale, incarnée, notre présence, notre fuite, nos angoisses.

La mémoire des vaches n’a pas de profondeur. Elle est plate et douce et répétitive comme un très vieux chant. Elle contient des choses inoubliables et semblables à jamais. (20)

Revue Pyro
n° 13, décembre 2007, 6 €
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Publiée par Le Grand Incendie, la revue Pyro a invité pour son treizième numéro, paru en décembre 2007 Marc Dugardin et Thierry Lenoir (très étonnantes gravures sur bois). Au sommaire, parmi d’autres, les signatures de Claude Beausoleil, Thibault Marthouret, Mireille Disdero, Paul Mathieu.

Jean-Claude Pinson
Drapeau rouge
Champ Vallon, 2007, 15 €
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Drapeau rouge évoque les années écarlates d’avant et d’après Mai 68, à travers les aventures et déboires d’un narrateur enrôlé, comme l’auteur, dans les rangs de ceux qu’on appelait alors « marxistes-léninistes ». Habit d’Arleqin, Drapeau rouge est un livre où l’on croise pêle-mêle des êtres de fiction et des personnages historiques (de Mao à Mallarmé), des fantômes et des animaux – ou encore des mots qui manifestent. Une question hante le livre : que faire aujourd’hui du dit drapeau. A défaut d’une réponse, Drapeau rouge, refusant de baisser pavillon, persiste à inventer des fictions et des formes pour pose la question, toujours actuelle, de l’égalité.

D’abord nous fûmes des possédés. Des enthousiastes à donf musiqués par des chants révolutionnaires annonçant que bandiera rossa trionfera. Hypnotisés par la voix nasillarde et les phrases déroulées sans fin par Gédéon l’Égyptien.
Et maintenant, maintenant seulement, nous voilà établis avec nos phrases à nous, chamanes à notre compte, natusex, christusex, mortusex, résurrex, occupés à nous désintoxiquer, à nous guérir de nous-mêmes et d’un mode devenu malade, très malade. (102)

Jean Esponde
le barrage des Trois Gorges
Atelier de l’Agneau, 2007, 14 €
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Jean Esponde a passé son enfance au pays basque puis dans le sud marocain. Il a fait des études de philosophie, qu’il enseigne. Il vit entre vigne et bois tout en s’occupant de l’orientation des étudiants à Bordeaux. Il propose avec ce livre un itinéraire poétique à travers la Chine et sur le Yang-Tse-Kiang, jusqu’au célèbre barrage des Trois Gorges en cours d’achèvement. Où l’on rencontre aussi Li Po, Victor Segalen et Roland Barthes.

Petite plateforme au-dessus de l’eau : elle suffit encore pour des champs miniatures, un hameau. Comme si le monde avait oublié ce témoin dérisoire. (53)

Michèle Finck
L’ouïe éblouie
Voix d’Encre, 2007, 19 €
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Michèle Finck est professeur de littérature comparée à l'Université de Strasbourg.  Ses champs de recherche (critique et création) sont orientés vers l'exploration des rapports entre les littératures de plusieurs pays (en particulier, la poésie, du romantisme à l'époque contemporaine, domaine de prédilection) et les arts (musique, peinture, danse, cinéma).  Elle a écrit notamment sur Yves Bonnefoy et Claude Vigée.

«Voici le langage à l’état naissant. Voici l’extase antérieure aux significations mortes qui encombrent notre cerveau. (...) Poésie et musique ici célèbrent de nouveau leurs noces mystiques, splendides et troublantes. Jusqu’à l’éblouissement. Jusqu’à l’illumination. Jusqu’à l’enchantement » (Jean-Yves Masson, Le magazine littéraire, novembre 2007)

Depuis l’enfance j’écris à la lampe d’un son mort
Qui heurte en moi la musique où dormir. Maintenant
La lampe tombe, ma tête tombe. La musique
Se déchire. Des mottes de son s morts mûrissent en moi.
Craquent dans ma peau d’âne. Tapent et frappent.
Il faut tout leur livrer et rouler avec eux dans le peu de terre.
(53)

Le texte est ponctué, accompagné de gouaches très belles et impressionnantes de Coline Bruges-Renard et il s’instaure, ce qui n’est pas toujours le cas, un véritable dialogue entre les œuvres graphiques de cette artiste et les poèmes ou textes en prose de Michèle Finck.