WHITE MATERIAL de Claire Denis

Publié le 25 octobre 2010 par Celine_diane

Une vingtaine d’années après son premier long métrage où elle évoquait son enfance au Cameroun (Chocolat), Claire Denis retrouve le continent africain, dans une œuvre troublante, peinture atmosphérique d’une terre déchirée, fragmentée par un conflit profond et une barrière complexe entre Blancs et Noirs. Au travers de Maria, héroïne insaisissable (épatante Isabelle Huppert) et de son combat entêté pour achever une récolte de café à l’aube d’une guerre civile, elle revient- subtilement, par touches émotionnelles - sur les difficultés de l’expatriation française, fouillant les psychologies avec profondeur, travaillant au plus près les notions de folie et de primitivité. Son cinéma n’est que sensation : ambiance lourde et caméra aérienne, importance du son, vision simultanément naturaliste et réaliste, rappelant souvent le roman de Conrad (Heart of Darkness) dans son approche de la nature, tout aussi menaçante que mystérieuse. Ecrit avec l’aide de l’écrivaine Marie N’Diaye (Trois Femmes Puissantes), il n’est pas étonnant que son film possède un tel souffle littéraire, en n’employant paradoxalement que peu de mots, et préférant l’évocation d’une image aux grands discours politiques. Lorsqu’elle ose affronter droit dans les yeux l’enfant-soldat ou l’homme devenu animal, Claire Denis s’affranchit de tout réquisitoire pour ne toucher qu’à l’essentiel : des faits à l’état brut, sans démagogie, sans jugement, âpre dans leur simple réalité. Engagé, le film l’est alors plus par ce qu’il montre, que par ce qu’il démontre, arborant une force hors du commun dans ses silences, ses contemplations, ses soudaines effusions de sang- atrocement muettes- qui viennent entacher le courage obstiné d’une femme vêtue de blanc, symbole sacrifié du dernier espoir de réconciliation.