Arrivée du SDD en France : quelles perspectives ?

Publié le 26 octobre 2010 par Sia Conseil

Près de 3 ans après le lancement du virement SCT (SEPA Credit Transfer) en janvier 2008, le prélèvement SDD (SEPA Direct Debit) arrive en France le 2 novembre 2010. Si cela marque une nouvelle étape vers le marché unique des paiements en Europe, de nombreuses questions restent ouvertes.

Rappel du contexte SEPA

Le SEPA (Single Euro Payment Area) est une initiative de place visant à créer un marché unique et intégré des moyens de paiement. Trente-et-un pays sont concernés : les 27 états membres de l’Union européenne, l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.

Le dispositif s’appuie sur la mise en place de standards communs pour traiter les virements (SCT), prélèvements (SDD) et opérations par carte (SCF). Ainsi, il sera possible pour les entreprises comme pour les particuliers, d’effectuer un paiement transfrontalier dans les mêmes conditions qu’un paiement domestique, en termes de tarification et de délais d’exécution. A terme, les trois instruments de paiement introduits par le SEPA visent à couvrir plus de 90% des paiements scripturaux européens.


Sia Conseil / Source : BCE

En outre, la Directive européenne sur les « services de paiement dans le marché intérieur » (DSP), entrée en vigueur en novembre 2009, fixe le cadre juridique nécessaire à la mise en place du SEPA. Celle-ci va également plus loin en ouvrant l’accès du marché des paiements aux acteurs non bancaires. De plus, elle introduit de nouvelles exigences d’information et de protection des consommateurs.

Le prélèvement SDD

Les prélèvements représentent plus d’un quart des paiements scripturaux en Europe, part de marché en croissance régulière ces dernières années. Ils sont employés essentiellement pour effectuer des opérations récurrentes telles que le paiement de factures, des impôts, ou encore des assurances.

L’arrivée du SDD va permettre de réaliser des opérations de prélèvements inter-opérables à travers la zone SEPA. Cela signifie que la banque du débiteur et la banque du créancier n’auront plus obligation d’être dans le même pays, comme c’était le cas jusqu’à présent. Ceci est rendu possible notamment grâce à l’introduction de dispositifs harmonisés d’un pays à l’autre :

  • Coordonnées bancaires (modèle BIC/IBAN),
  • Format de transmission des données (modèle ISO 20022, schéma universel de messages pour l’industrie financière développé par l’alliance Swift),
  • Longueur des libellés des opérations (140 caractères en vue de faciliter les traitements des réconciliations comptables).
  • Délais d’exécution des ordres  (1 jour en cible)
  • Droit de contestation et obligation d’information des utilisateurs

La gestion des mandats au cœur du dispositif

Mais la principale nouveauté introduite par le SDD concerne la gestion du mandat, qui vient remplacer l’autorisation de prélèvement. En France, cette gestion incombait jusqu’à présent à la banque du payeur. Désormais, c’est l’entreprise émettrice de la facture qui devra en assurer non seulement la collecte et l’archivage, mais aussi la dématérialisation. En effet les données du mandat devront être intégrées dans l’ordre de paiement transmis à la banque.

Le report de la charge de gestion du mandat vers le créancier, combinée à des droits de contestation étendus, marque la transition d’un contrôle des opérations qui se réalisait en amont lors l’établissement de l’autorisation de prélèvement, à un contrôle en aval, avec un risque de contentieux élargis (jusqu’à 13 mois de contestation possible, la charge de vérification du mandat et de remise en état du compte incombant à l’entreprise facturière).

Par ailleurs, le SEPA prévoit également la mise en place d’un mandat électronique, qui pourra se substituer au mandat papier pour les souscriptions en ligne. Le client donnera son accord sur son portail de e-banking, qui devra être alors interfacé avec le site marchand de l’entreprise facturière.

A ce titre, le SDD nécessite la réalisation d’investissements particulièrement importants pour les entreprises et administrations émettrices de SDD :

  • Alignement des processus : adaptation des processus de réception des formulaires pour les nouveaux clients, campagne d’information à destination des clients existants, organisation de la mise à disposition de la charge de la preuve, support du risque financier en cas de non-conformité des mandats ou de fraude, pilotage des impacts sur la relation client…
  • Impacts sur le Système d’Information : migration du stock d’autorisations existantes dans la base mandats, ouverture d’un accès à la base mandats depuis les outils de CRM, mise en place des dispositifs de gestion du mandat électronique, extraction des coordonnées bancaires à partir des bases mandats…

Une difficile mise en œuvre du SEPA

Disponible depuis près de 3 ans, l’usage du virement SCT reste toujours marginal en France (moins de 1% des virements au format SEPA). En Europe, bien que supérieure, la part de marché des virements SCT ne s’élève qu’à 10%. Si ce moyen de paiement est largement proposé par les banques (plus de 4500 banques en Europe, émettrices de plus de 95% des virements actuels), il reste encore peu utilisé par les entreprises et administrations. De plus, selon la BCE, la part des échanges transfrontaliers ne représenterait environ que 2% des virements SEPA.

Sia Conseil / Source : BCE

A l’image du virement SCT, le prélèvement SDD éprouve également des difficultés de mise en œuvre. Disponible depuis le 1er novembre 2009 chez nos voisins européens, le SDD ne représente que 0,05% des prélèvements européens après 9 mois.

Sia Conseil / Source : BCE

Globalement, le retour sur investissement est difficile à percevoir pour les entreprises et les administrations : réduction de coûts (ouverture concurrentielle du marché), délais de traitements raccourcis, fluidification de la mise en place des ordres de prélèvements… Les investissements requis pour mettre en place les prélèvements SDD ont tardés – souffrant également de la baisse des dépenses imposée par la crise et de questions restées ouvertes quant à l’harmonisation des standards.

Selon le baromètre des paiements européens 2010 (TNS Soffres / EFMA), la gestion des mandats est une priorité pour seulement 19% des entreprises européennes en 2010. Seules 20% d’entre elles comptent mettre en place le virement SDD dont 25% en 2010 et la 50% en 2011 ; ce qui confirme ces perspectives mitigées. Ce constat est amplifié pour la France où le SDD est disponible plus tard que pour ses homologues européens.

Le SDD est un produit plus difficile et coûteux à implémenter que le SCT. Les risques d’impayés et de contentieux sont élargis et ses nombreux impacts en font un produit pour le moment peu populaire. Son succès ne pourra sûrement intervenir qu’après celui du SCT, encore en phase de conquête depuis environ 3 ans. Il est donc à prévoir que le SDD ne s’inscrive dans les pratiques pas avant 2012.

Sia Conseil


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