Ombres venitiennes

Publié le 28 octobre 2010 par Venetiamicio
©Catherine Hédouin Il regardait les murs à la façon d'un enfant. Parfois, il était au ras de Venise car c'est ainsi que les enfants découvrent le monde, parce qu'il leur faut toucher ce qui leur est trop grand et n'est qu'un jeu dont ils ne cherchent pas à comprendre les règles. Les ancêtres avaient laissé des traces durables élevées sur d'insoupçonnables ruines, et le rêve des "bâtisseurs d'impossible" -- apprivoiser l'immensité et l'inscrire dans l'espace d'un jardin --, il devait en recréer les origines depuis son propre regard."Ici, plus qu'ailleurs", les mêmes choses se disent à travers les mêmes silences, la lumière baigne et dissout les formes, les objets se fondent en une infinité liquide. Différences et répétitions procèdent par déplacements subtils de l'ombre, de la couleur, à travers un réseau d'analogies secrètes, d'odeurs, de sensations. Le champ du visible est un pays illimité : la pierre s'apprend par l'eau, l'arbre par son ombre, l'oiseau par le nuage... Venise ne se donne qu'en protégeant ses secrets, et l'étonnement du vivant n'y est jamais lassé.Bernard Neau (Venise, Miroir des signes)