Philosophie du projet Démocrate

Publié le 07 janvier 2008 par Willy

Philosophie du projet Démocrate
Par Sébastien Dugauguez 


Le projet Démocrate est une vision de la société radicalement différente de la proposition Socialiste et de la proposition Conservatrice. Ce projet n’est pas une synthèse centriste de ces propositions, comme beaucoup le croient. François Bayrou a posé les grandes lignes de cette conception de notre Civilisation dans un bel article de la revue Commentaire. C’est un texte dense (9 pages) qui est indispensable à la compréhension des évolutions récentes de la politique française, car cette dynamique dépasse largement le cadre du seul Mouvement Démocrate et elle a déjà été esquissée dans le domaine du Développement Durable.

Je voudrais approfondir ici la doctrine de ce projet.

Tout d’abord, un diagnostic. Les philosophies politiques actuelles - de gauche comme de droite - reposent sur l’hypothèse rousseauiste du contrat social : l’intérêt général procèderait naturellement de la somme des intérêts particuliers de chacun des membres de la société. Cette conception serait encore valable si chaque individu n’avait qu’un seul intérêt particulier. Or, ce n’est plus le cas.

C’est la crise des intérêts particuliers qui est à l’origine de la crise politique et morale actuelle.

En effet, la difficulté des propositions politiques actuelles résident dans le fait qu’elles se trouvent confrontées à des incohérences majeures entre chacune des trois facettes des individus auxquels elles s’adressent : au citoyen, au consommateur et au travailleur. Chacun de ces termes est ici présenté au sens large :
  • Je suis un citoyen, je suis un « régulateur » : un acteur social et politique, qui interagit avec ses semblables. J’aspire à la liberté et à la vie en communauté.
  • Je suis un travailleur, je produis de « l’offre » que je sois salarié, indépendant ou entrepreneur. Cette activité, par ses revenus, détermine mon niveau de vie.
  • Je suis un consommateur, je suis « la demande ». Cette activité, par l’utilisation de mes revenus, détermine mon mode de vie.

Du temps de Rousseau et de celui encore récent de la vie à la campagne, il était possible à chacun d’établir une cohérence entre ces trois natures. Au temps des usines cette convergence était encore palpable pour le prolétariat : elle a fait la réussite des thèses communistes.

Mais aujourd’hui, chacune de ces facettes qui nous compose est plus ou moins en conflit d’intérêts avec les autres. Ainsi par exemple :
  • En tant que consommateur, je préfère les produits les moins chers – délocalisés - au risque de ma santé d’homme, de mon activité de travailleur ou à l’encontre de ma conscience de citoyen.
  • En tant que travailleur je souhaite davantage de revenus, quand bien même ce revenu augmenterait les prix, et donc annulerait mon intérêt de consommateur. Alors le citoyen que je suis vote pour le parti qui lui promettra davantage de pouvoir d’achat à court terme soit par une hausse des salaires, soit par une baisse des impôts.
Nous sommes ainsi tous les témoins et les victimes quotidiennes de ces incohérences et d’un monde que nous ne comprenons plus.

Et ce sont des organisations différentes – partis politiques, syndicats et associations ou labels de consommateurs – qui sont chargées de défendre ces différents intérêts. Mais, ces organisations revendiquent chacune leur indépendance alors que ces problématiques se trouvent indiscutablement liées en nous. Ces organisations n’apportent donc pas de vision cohérente. Le résultat c’est la désaffection et l’ironie vis-à-vis de la politique, la décrédibilisation du syndicalisme et la faiblesse des associations de consommateurs. Fleurissent alors des utopies réconciliatrices comme la vision de l’extrême gauche ou le fondamentalisme religieux.

Le réflexe classique est alors de se tourner vers l’Etat et d’attendre de lui qu’il résolve ce problème. Mais les partis politiques, de gauche et de droite, sont, comme je l’ai montré, impuissants à régler durablement ces questions puisque complices du problème.

Comment résoudre alors ce conflit d’intérêts qui mine nos sociétés et nos consciences ?
  
Il faut alors changer radicalement de concept philosophique : la somme des intérêts particuliers n’incarne plus l’intérêt général. Ce serait plutôt l’intérêt général qui unifierait nos intérêts particuliers. Ce retournement de conception, où l’intérêt général prime et détermine notre intérêt particulier est la première révolution du projet qui se nomme aujourd’hui Démocrate ou Durable.

Mais ce projet porte également une seconde révolution, toute aussi essentielle.

D’autres théories politiques ont déjà essayé de proposer cette primauté de l’intérêt général. Elles ont généralement conduit à des totalitarismes, où l’individu était sommé de renoncer à sa liberté afin de subir, pour son bonheur, l’intérêt dit général. Notre projet est radicalement différent : il a fait son deuil d’imposer aux autres le bonheur. Il ne recherche que l’établissement d’un cadre épanouissant qui, en toute liberté, permette de concilier nos différentes aspirations à priori contradictoires.

Notre projet ne vise donc pas l’établissement de l’intérêt général par l’Etat ou par une forme quelconque d’organisation, mais par l’individu qui décide en premier lieu d’être exemplaire. C’est la seconde révolution.

C’est donc l’individu qui va confronter ses aspirations de consommateur, de travailleur et de citoyen à un intérêt général supérieur afin de modérer ou d’encourager certaines de ses aspirations et agir. Agir de façon responsable et autonome. Agir sans attendre l’Etat et la société, agir sans contester systématiquement, mais plutôt en commençant par être soi-même exemplaire. C’est toute l’aspiration au Développement Durable qui est ainsi expliquée par cette vision Démocrate de la politique.

En effet, ne rien attendre en premier lieu de l’Etat n’exclut pas l’action politique, au contraire. L’individu reconnaît que tous les moyens sont pertinents pour concilier ses intérêts, et l’action politique citoyenne en est une. Elle est même un devoir, car le renoncement individuel à une action politique est un des symptômes de la crise des conflits d’intérêts identifiée au départ. L’Etat, au lieu d’être un recours ou un garant, devient alors pour le citoyen un moyen, parmi d’autres, pour mettre en œuvre sa conception du monde.

Ainsi, le citoyen, le consommateur et le travailleur, enfin réunis et cohérents, trouveront dans cette règle de vie privilégiant l’intérêt général un cadre épanouissant.

Enfin, comment définir cet intérêt général supérieur ? Pour rester cohérent avec cette philosophie, il n’est pas raisonnable d’en donner une définition globale et définitive. C’est à chacun de le faire en conscience. Cependant l’intérêt général, c’est bien souvent de dépasser sa vision locale et court-termiste. C'est-à-dire de changer d’échelle en envisageant les questions dans un cadre géographique et temporel universel : à l’échelle du monde et à l’échelle des générations passées et futures. De là découlera la satisfaction de nos propres intérêts.

Le projet Démocrate, traduction politique du Développement Durable, se revendique donc de cette double révolution. Celle qui remet l’individu libre, responsable et exemplaire au cœur de la démocratie.