La cocodette

Par Richard Le Menn

« Moi, je devins une mondaine, une femme futile, coquette, aimant le plaisir, la vie extérieure, ce qu'alors on appelait une "cocodette" » écrit Irène de Chauffailles de Gengoux marquise de Taisey-Chatenoy dans A la Cour de Napoléon III (Paris, 1891). Elle emploie même l'expression de femme « dans le mouvement ».
La cocodette est la compagne du cocodès. Leur période de prédilection est vers 1860, sous le second Empire (règne de Napoléon III de 1852 à 1870). Tous deux sont jeunes, élégants et mondains, avec les 'tics' des petits maîtres d'alors. Si leur quête de raffinement et de liberté n'atteint pas ceux des grandes dames et des grands hommes d'alors et suscitent souvent les moqueries, notamment dans la littérature, ils n'en restent pas moins de véritables élégants dont les « allures grêles et mourantes » (voir article sur les Gommeux) en disent long sur parfois 'la lourdeur des choses' … peu supportable pour des esprits tournés vers la légèreté et la joie. Dans Ohé ! La Grande Vie !!!, Gyp met en scène une cocodette et un cocodès d'une manière croustillante (voir article Longchamp(s)). Ce sont les derniers courtisans de la dernière Cour Française : celle de Napoléon III ; les derniers représentants d'un temps : « LE COCODES. – Pratique ! voilà bien les femmes d’aujourd’hui !... mais il ne faut pas qu’une femme soit "pratique" ! c’est sa perte !... c’est sa fin !... c’est affreux, une femme pratique !... affreux !... » (Gyp, Ohé ! La Grande Vie !!!). Évidemment il y a une certaine suffisance chez ces personnages, comme c'est le cas généralement chez les élégants à qui on donne des noms dérivés du 'coq' que l'on aime cependant beaucoup en France ; ce dont il est question dans l'article intitulé Coquetterie. Déjà au Moyen-âge « faire le coc en pelu » signifie « faire le suffisant, l'avantageux, le plaisant ». Voir aussi l'article La cocotte.
Photographie 1 : « La cocodette, par Pépin, Étude phrénologique d'après le système de Gall. » Illustration de la première page du journal satyrique L'Éclipse du 22 novembre 1868 représentant la tête d'une cocodette de profil. La phrénologie est le nom donné à une théorie du neurologue allemand Franz Joseph Gall (1757-1828) sur la localisation des fonctions cérébrales dans le cerveau. Des humoristes l'ont détournée pour montrer ce que peuvent avoir dans la tête certaines personnes à la mode. Ici le cerveau de la cocodette contient diverses parties dédiées à : la poésie, l'ingratitude, la folie, les plaisirs, la paresse, la moralité, la malice, l'envie, la pudeur, la friandise, la méchanceté, la colère, la finesse, la jalousie, la douceur, l'astuce, le jeu, l'amour, la friponnerie, l'amour de la forme, l'impuissance, l'orgueil, la danse, la luxure, la religion, l'attachement. On distingue dans ses cheveux deux pièces dont un rouble (de riches étrangers aiment alors venir se divertir à Paris) et une autre de 20 francs de 1868 en guise de boucle d'oreille. Des feuilles de vigne, symbole dionysiaque et de la jouissance l'ornent.
Photographie 2 : Détail de la double page centrale du journal La Caricature du « 10 Décembre 1881 » (n° 102) intitulée « La Genèse du gommeux » avec une représentation d'un cocodès.