Le petit hashtag illustré

Publié le 29 octobre 2010 par Doespirito @Doespirito

Moi, j’aime bien expliquer les choses. Parfois, on m’appelle le prof. Alors, je joue le jeu à fond. Aujourd’hui, nous allons étudier le hashtag sur Twitter. Commençons par un exercice simple. Que signifie ceci ?
- RT @JeandelaXR: et si on empaillait de Closet ??? #csoj
Bon, je décrypte. “JeandelaXR” était en train de parler de François de Closets. A la faute de frappe près (De Closets prend un “s”, merci), on parle de ce gars-là sur twitter. Ce mec a juste 77 balais aux fraises et il continue à pérorer sur les plateaux télé… Bon, mais intéressons-nous au mot précédé d’un dièse : #csoj. On appelle ça un hashtag, une balise, en français. Si vous n’avez pas ce sésame, vous n’avez aucune chance de comprendre la conversation suivante :
- Joy Sorman, j'aime beaucoup ses dents #bonheur #csoj
- RT @Vogelsong: De Closets est le meilleur promoteur de la retraite à 60 ans.... #csoj
- Pour info, Stéphane Hessel a 93 ans!!! #csoj #EE

En l‘occurrence, CSOJ, ça veut dire “Ce soir ou jamais”, l’émission de Frédéric Taddeï sur France 3. Il s’agit donc d’un live-tweet (LT), un des commentaires sur cette émission faits par des personnes présentes sur twitter en même temps. Le hashtag est donné au départ et hop : vous triez automatiquement les tweets qui arrivent dans une colonne spéciale, pas besoin de se fatiguer. Concrètement, comment ça marche ? Vous êtes dans votre salon, la journée a été chiante, il faut bien se détendre. Mais, au choix : 1) Votre compagne est au téléphone avec sa mère et ça va durer… 2) Votre compagnon est planté sur l’autre télé devant Manchester United-Lamotte-Beuvron, raaaah la la, c’est le match du siècle.
Alors on regarde sa petite télé tout seul(e), et comme il n’y a personne pour partager vos passionnantes pensées instantanées, vas-y que je te clique en suivant le dièse de la mort.
- Quand j'écoute Besancenot, j'ai la nostalgie de Ramon Mercader et son pic à glace... #csoj
D’un seul coup, votre salon devient virtuellement aussi peuplé qu’un quai de la Gare du Nord un jour de grève. Vous donnez votre avis, vous commentez les remarques des autres, vous renchérissez… Et on se sent tout de suite moins seul. Quand Pépère repassera à la mi-temps de son match de foot, pour prendre une autre bière et taper la discute, vous lui direz que vous êtes en pleine conversation avec 97 personnes et que c’est pas le moment de venir vous bassiner.
Un conseil, toutefois. Si vous voulez regarder une émission qui cartonne, comme Desperate Housewives, avec votre réseau restreint d’amis, mieux vaut se donner un hashtag connu seulement de vous et de vos copains/copines. Si vous prenez la balise la plus utilisée, vous allez vous retrouver à suivre des conversations gigantesques et vous risquez de vous fader des messages comme ça :
- beesh89 قابي مره تكسر خاااطري ياربيه موقفها شين #DHW
C’est sûrement passionnant. Mais juste incompréhensible. Et en plus, c’est écrit de droite à gauche.
Autre intérêt du hashtag ? Eh bien, si on a raté l’émission, on peut retourner voir la conversation sur twitter. En effet, il suffit d’aller voir celle sur CSOJ. Bon, ça ne vaut pas M6 Replay non plus... Une autre question ? «Et les autres émissions, on peut les suivre aussi ?». Mais bien sûr, allons ! “On n’est pas couché”, par exemple, c’est là. Ça tweete pas des masses. C’est normal, en même temps : on n’est pas dans le cœur de cible de Twitter. Zemmour, Plenel, Naulleau et Ruquier ne sont pas des accrocs du micro-blogging. Du coup, ils ne prêchent pas par l’exemple. Mais ils ne sont pas les seuls : vous aurez bien de la chance si vous trouvez des conversations sur Commissaire Moulin ou Joséphine ange gardien. La ménagère de moins de 50 ans préfère de loin la tablette de chocolat ou la boite de kleenex au piapiatage en ligne.
En dehors des «balises» de conversation instantanée, il y a aussi les hashtags à la mode et les hashtags démodés.

Total hype !
#jeudiconfession : on se lâche et on dit ce qu’on a sur le cœur
- Grand corps malade, tellement pas pour moi #jeudiconfession
- J'ai mis ma belle robe aujourd'hui juste parce que j'avais un meeting avec Kurt #2 #jeudiconfession
- #jeudiconfession J'ai envie d'épouser @ulk. N'importe où. Mais je veux l'épouser. :)

#QuandJaiCompris : la prise de conscience qui fait mal.
- Petit, je ne comprenais pas pourquoi mes parents attendaient le dernier moment pour faire leur valise. #quandjaicompris c'est uber-chiant.
Total lose...
- #VDM : Vie de merde. Raconter votre foirage de la journée. C’était drôle cinq minutes. Maintenant, ça fait province. Sachez-le.
Vous allez me dire : «Il y a aussi des hashtags un peu délirants, non ?». C’est exact. On les met là juste là pour rigoler. Donc à priori, aucune raison de cliquer dessus car vous allez tomber sur des phrases qui renvoient à des tas de conversation en cours. Néanmoins, certaines peuvent devenir culte. Comme #roucasserie (concentré d’humour gras à la Jean Roucas).

Nous conclurons cet exposé avec les interjections. Au lieu de dire «Ça alors», «C’est nul» ou «Sapristi», on utilise sur twitter des acronymes autrement plus sophistiqués.

#WTF : What the Fuck ! En temps normal, on écrirait «C’est quoi ce bordel ?». Mais on est sur twitter, temple du bon goût et de la distinction. Ne l’oublions pas.

#OMG : Oh my God. Marque la surprise, l’horreur ou la boule puante. Ça remplace le fameux «Wooh putain !», pas assez politiquement correct.

#OSEF : (on s’en fout). Variante : OSF. Signale les infos qui sont sensées n’avoir aucun intérêt.
- Banier vient de liquider sa société #OSEF.
- J’ai rêvé que je couchais avec Justin Bieber #OSEF
- pierrehaski : Zut, j'suis en retard... @Rue89: La conférence de rédaction en ligne de Rue89 a commencé [là, c’est moi qui ajoute #OSEF]
- MA MERE REGARDE UN DiNER PRESQUE PARFAiT FRANCHE COMPTE PTDR #OSF MAiS BON C'EST LA FRANCHE COMPTE QUAND MEME» [C’est pas #OSF qu’il faudrait mettre, mais #cruchonne).
Enfin, dans la série acronyme, vous éviterez absolument ces trois-là, sauf si vous tenez à montrer la paille que vous avez dans vos sabots :
- #PTDR : Pété de rire. Il n’y a vraiment pas de quoi...
- #MDR. Une tarte à la crème, et vous nous faites Laurel et Hardy...
- RTT. Quand on retweete, on met juste RT. Hou les cornes !

Rangez vos affaires. Pour la semaine prochaine, vous me ferez trois #jeudiconfession et deux #quandjaicompris. Sortez en silence.

Illustrations : wikipedia, facebook, France 2-DR, Simpson/fond d'écran-Matt Groening
Les tweets reproduits dans cette note sont authentiques.
Aucun oiseau n'a été maltraité pendant l'écriture.