L’anti-cri

Publié le 02 novembre 2010 par Maitre_zaz

Je suis enceinte, je suis une mère porteuse, je porte dans mes entrailles depuis quarante huit ans, sept mois, quarante cinq minutes et deux secondes. Je vais enfin mettre bas et faire sortir de moi cette chose. Lui donner un prénom. Un prénom composé, colle-air, elle me colle à la peau et je la respire comme on respire l’air. Je vais enfin pouvoir la porter dans mes bras, la regarder en face, la contrôler, la manipuler, m’en débarrasser. Je vais enfin l’abandonner, elle n’est pas mienne, je ne suis que la porteuse, d’ailleurs elle ne me ressemblera pas. Elle leur ressemblera. Elle ressemblera à ceux qui l’avaient implanté en moi.

Je suis une enceinte, je suis une citadelle et mes entrailles un volcan. Je vais mettre bas ce magma qui avalera tout ce qui sera sur son chemin.

Je suis la vierge par excellence,  je suis la terre fertile qu’on a brûlé, je suis la richesse qu’on a détourné. Je suis une énigme qui dort. Je suis la maîtresse insaisissable, et mes amants ont tous les mêmes points communs. Ils sont assoiffés de pouvoir et de richesses, pour mieux exploiter mes trésors, chassent mes enfants et les empêchent de venir en moi.

Aujourd’hui je lègue tout ce que j’ai à colle-air. Le trésor de colère. Ajoute colère sur colère augmente le trésor. Que chacun voit comme il entend, je suis là pour donner et non pour recevoir. Je n’ai pas d’âme je suis uniquement animée. Je suis une vache à lait pour ceux qui ont le pouvoir, qui ont fait main basse sur mes ressources vitales. Je suis l’indigestion du riche, la vengeance de la faim du pauvre.

L’attente est plus dure à supporter que le feu. J’ai toujours été l’enclume, j’ai pris patience, aujourd’hui je suis le marteau, je vais frapper droit et ferme. Comme le feu, la vie débute par la fumée et finit par la cendre.

L’heure est arrivée. Mort du riche, sujet de désirs; Mort de la savante source de regrets ; Mort du pauvre, heure de repos et tout matin devient soir.